The drugs do work // DRUG COUPLE

Chronique (2022)
          Exilé dans la campagne du Vermont, le duo new-yorkais DRUG COUPLE verse une bonne rasade d'americana dans son cocktail indie, entre deux tafs d'un gros pétard d'une beuh cultivée maison.

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          Non, les groupes de rap U.S. n'ont pas le monopole des cigarettes qui font rire. Et ça n'est pas DRUG COUPLE qui viendra prétendre le contraire. Le groupe formé par Becca et Miles ROBINSON, s'est rencontré à Brooklyn pour un coup de foudre aussi bien musical que romantique. Leur mariage sur un coup de tête dans le Vermont, verdoyant état de Bernie SANDERS, aura tout eu du game changer pour le couple : nos deux tourtereaux décident de ne plus en repartir et se dégotent une propriété abritant une ferme bicentenaire. Les ROBINSON partagent donc leur temps entre la culture de la marie-jeanne et la construction de leur propre studio d'enregistrement, Freelandia, avant de se lancer dans la réalisation de Stoned weekend, entrecoupée par deux-trois buvards de LSD récréationnels.

Smoke weed everyday

Pas déçu d'avoir quitté l'agitation new-yorkaise, notre DRUG COUPLE a su ainsi trouver le cadre idéal pour les dix morceaux de ce disque, mariant à merveille le rock indé des grandes villes (YO LA TENGO, LEMONHEADS...) et une bonne vieille folk campagnarde (on pense furieusement au superbe Gettin' gone de MV & EE, cet autre couple de stoners patentés).
Sur la pochette du disque, on aperçoit Becca et Miles dans leur jardin pour ce qui ressemble fort à l'after de leur mariage : plus d'invités en vue, cravate défaite et clope de traviole pour Miles, air hagard pour Becca et de nombreuses bouteilles de vin à marée basse. Un contraste saisissant avec l'artwork du précédent EP du groupe, Choose your own apocalypse, avec sa pochette en collage so 90s, qui en disait déjà long sur la lassitude des ROBINSON face à l'enfer urbain new-yorkais.
Si le groupe met en avant la fumette sur une partie de l'album (quelle surprise ! ) marquée par une attitude délicieusement slacker (l'intro hilare de Still stoned), on est pourtant loin des gamineries enfumées de WEEN (et encore plus de la multinationale SNOOP DOG), car DRUG COUPLE démontre brillamment en dix titres concis et efficaces qu'il vaut bien plus que ce simple gimmick, forcément réducteur.
 
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Like a rolling stoned

Il faut dire que Miles ROBINSON n'est pas le premier venu, lui qui a entre autres collaboré avec TV ON THE RADIO et GRIZZLY BEAR pendant sa période new-yorkaise, qui l'amènera à produire le groupe de... Becca ROBINSON en 2017. On comprend rapidement que notre homme a plusieurs cordes à son arc : passée l'intro de Stoned weekend toute en guitares jouées à l'envers, une délicate ambiance pastorale s'impose et met en avant une voix aussi posée qu'assurée, formidablement complétée par les chœurs de Becca ROBINSON et des guitares slide gorgées de reverb. Refusant de choisir entre distorsion et approche americana, le groupe nous livre quoi qu'il en soit un bien bel écrin slogrunge pour exposer sa profession de foi : “Spent my whole life stoned, spent it all alone, but now I finally found a friend, and I hope this weekend never ends, stone weekend”. C'est à plusieurs milliers de kilomètres du Vermont que DRUG COUPLE nous emporte pour son voyage de noces, vers la pop et la folk psychédélique californienne, nous rappelant au bon souvenir du Laurel Canyon sound (BUFFALO SPRINGFIELD, BYRDS...).
On s'attend donc à un album aussi plaisant que planant, mais Missed our chance vient tout remettre en cause : alors comme ça Miles, on se prend pour J. MASCIS après quelques pétards ? À son crédit, ses impressionnants solos fuzzés sont ici lâchés pour renforcer cette sucrerie pop plutôt que pour se contenter d'épater la galerie.
Mieux, l'ébouriffé Our december ouvre même la porte à un rock débridé qui assume ses aspirations noise, comme un sale gosse prêt à nous jouer un mauvais tour plutôt plaisant. Généralement en retrait sur le reste de l'album, la section rythmique (avec un certain Pastor Greg FRAISON à la batterie) prend son envol, et la basse (tenue par Becca ROBINSON) vrombit à mort comme une Kim GORDON/DEAL des grands jours.
On nous refait aussi le coup sur Linda's tripp, mettant en scène l'histoire d'amitié entre deux vampires adolescents, heureusement bien loin de Buffy, ou encore pire... Twilight. Qu'importe si Miles ROBINSON présente la chanson comme un plagiat éhonté de DINOSAUR JR. : son solo final est aussi admirable qu'haletant.
Becca ROBINSON n'est pas en reste non plus. Prenant les choses en main sur Lemon trees, Mrs ROBINSON démontre avec brio qu'elle n'a pas à rougir face aux qualités d'écriture et de chant de son mari. L'autobiographique « You like the smell, so I'll grow lemon, lemon trees, even though they might freeze » met en avant la nouvelle approche de DRUG COUPLE, plus proche de la terre (« We don't have to live here no more, we don't have to lift our head no more ») et qui assume vouloir chercher à essayer de nouvelles choses, même si c'est pour échouer au final. Visiblement responsable de la face la plus posée du groupe, les contributions de Becca ROBINSON exploitent tout le potentiel des très belles guitares slide de Travis ROSENBERG et ne manquent pas d'un doux charme intimiste évident (Little do I know, Wyld child et un Blue water tiré de sa torpeur par son sprint final), pas si éloigné de la grâce d'Hope SANDOVAL (MAZZY STAR), le côté femme-enfant-fatale en moins.
 
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Strawberry weed forever

Empruntant un vieux trick cher à Neil YOUNG (Hey hey my my/My my hey hey, Rockin' in the free world) DRUG COUPLE referme son Stoned weekend comme il l'avait commencé, puisque Still stoned n'est en fait qu'une seconde version du morceau d'ouverture (qu'on retrouve avec un plaisir non feint).
L'évidente complémentarité musicale du duo permet à Stone weekend de réaliser un parfait compromis entre rock et folk, tradition et modernité. Superbes chantres de l'autosuffisance, Miles et Becca ROBINSON frappent donc très fort d'entrée avec ce premier “vrai” album, qui flirte dangereusement avec le sans-faute. Les quelques imperfections du disque (une face B légèrement plus endormie que sa consœur) servent finalement à nous faire comprendre que le meilleur est peut-être encore à venir pour ce couple hautement attachant et sincère, les pieds dans la boue et la tête dans les gratte-ciels.
S'il n'y a évidemment plus grand chose de subversif dans la fumette depuis des plombes, DRUG COUPLE vient cependant y ajouter un doux goût sucré, beaucoup moins nocif que n'importe quelle vapoteuse dopée. Bref, de quoi planer à moindre frais. Willie NELSON likes this.

 

Eric F.

(21 juin 2022)

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DRUG COUPLE. Stone weekend (Paper cup music, 2022)
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Pour prolonger...


DRUG COUPLE : Drugcamp
DRUG COUPLE : Drugstagram
DRUG COUPLE : At the Broadway (in Brooklyn) 

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Photographies : DRUG COUPLE / Instagram, DR.
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