Persona non grata (Burger) // Par N.Gougnot
« Il y a plus d'un siècle, à une époque où le capitalisme était en plein développement, Marx et Engels en ont prédit le déclin et la chute inévitable, en raison de ses contradictions intrinsèques. Cette prévision se réalise rigoureusement en notre temps. [...] Il y a plus d'un demi-siècle, Lénine a prévu qu'en raison du transfert du centre du mouvement révolutionnaire à l'Est, le prolétariat russe deviendrait l'avant-garde de la révolution socialiste. Lors de la Première Guerre mondiale, il a prédit la possibilité de la victoire du socialisme, au début dans un seul ou dans quelques pays. L'histoire a brillamment confirmé ces prévisions. »
Ces quelques lignes, que nous devons à un auteur qui a préféré rester anonyme afin de s'effacer derrière la cause qu'il ou elle a voulu servir par l'intermédiaire de l'ouvrage intitulé Les principes du marxisme-léninisme, publié à Moscou en 1961, nous font d'abord sourire. Comment peut-on reprendre, ou pire, adhérer, en 2014, à cette rhétorique d'un passé que tous reconnaissent comme révolu ? Car force est de reconnaître que nos frères oriento-européens ayant constitué cette fameuse avant-garde du prolétariat révolutionnaire et socialiste nous ont longtemps envié de pouvoir regarder Dallas et de rouler en Renault 12... Tout vient à point à qui sait attendre, camarade ! Les dirigeants soviétiques, dans leur immense clairvoyance, ont élaboré une stratégie judicieuse, mais qui devait rester secrète afin d'en préserver la scientifique efficience : simuler l'échec économique et politique de la glorieuse révolution prolétarienne, afin d'endormir les défenses du capitalisme, dont les fondements seraient ensuite patiemment sapés, provoquant ainsi son effondrement sous l'effet de sa propre putréfaction, accentuée par les coups de butoir du Мягкий к власти, le « soft power » à la Russe.
Car il s'agissait de prendre la patrie du capitalisme à son propre jeu : derrière une réorganisation en profondeur de l'organisation avant-gardiste de la révolution mondiale, maquillée en effondrement du système, se cachait en réalité une volonté de s'appuyer sur la jeunesse occidentale, décérébrée par les idéologues du cosmopolitisme réactionnaire bourgeois inséparable de la rapacité du capital monopolistique, mais prête à l'imprégnation par des modèles proposant une analyse objective de la réalité mondiale, rigoureusement scientifique.C'est pourquoi, derrière le raidissement de sa politique étrangère constaté ces dernières années, en investissant dans les outils du « soft power » et de la « public diplomacy », la Russie souhaite, d'une part, améliorer son image internationale et, d'autre part, maintenir son rôle de puissance intégratrice centrale dans la zone postsoviétique. Le groupe Cosmonauts en est la plus éclatante preuve. Originaire des Etats-Unis, d'Orange County (Californie) plus exactement, c'est-à-dire du nombril du monde capitaliste, il semble accepter les fondamentaux du rock américain contemporain de meilleur aloi : post-rock très psyché avec un zeste de new-wave, voire de shoegaze (I'm So Bored With You me fait penser imparablement, et à chaque écoute, à quelque morceau de My Bloody Valentine entendu dans les années 90, agrémenté de la voix de canard de Les Claypool... Ne me demandez pas pourquoi). Quel rapport avec la Russie et le communisme, nom d'un Petit Père des Peuples ? Tout simplement le nom, camarade ! Un quelconque groupe américain, se serait nommé Astronauts, mais la glorieuse influence de la Patrie du Socialisme en a voulu autrement, sa magistrale influence culturelle se dévoilant ainsi dans sa tactique dite « du salami », qui vise à l'élimination des pouvoirs extérieurs au communisme, «tranche après tranche, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien », pour reprendre les mots de Mátyás Rákosi, chef du Parti communiste hongrois, en 1947. Rien qu'à l'idée d'un groupe made in USA se dénommant Cosmonauts, le cadavre putréfié de Joseph Mc Carthy se retourne dans la fosse septique qui lui sert de sépulture, ce qui constitue en soi une victoire du marxisme-léninisme.
Ce texte aurait pu s'intituler « Chronique de l'après-coup », car en plus de consister en une sorte de séance d'autocritique quant à une grille de lecture géopolitique erronée depuis près de vingt-cinq ans, il s'agit de réparer une absence de vigilance au sujet d'un album magistral sorti, il a plus d'un an et qui, de façon inexplicable, est demeuré dissimulé dans un angle mort de ma clairvoyance. Ce qui est totalement inacceptable et inexcusable, étant donné l'impeccable contenu de ce disque magistral. Je l'ai déjà exprimé plus haut, ce disque est la synthèse de genres musicaux trop vaguement définissables, l'effet produit se rapprochant d'une sorte de post-punk psychédélique. Un chant incantatoire, des guitares sinueuses, vicieuses et ensorceleuses, une basse omniprésente, une batterie paisiblement martelée : voilà qui nous change du psyché chiante et totalement vaine que l'Occident déverse par tombereaux depuis quelques années, car les compositions, largement servies par une production de qualité, surtout en vinyle, du fait de l'importance que revêt la basse, expriment un regard tourmenté : pas d'onirisme, de hippies, de flûte traversière, mais des murs de briques sales ou de béton humide, même sur les morceaux les plus posés, pour un ensemble facile d'accès, loin de tout élitisme du malsain. D'ailleurs, les vrais rédacteurs de chroniques, ceux qui découvrent les groupes au moment où ils sortent leurs disques et non un an après qu'ils ont publié leur troisième album (planetgong.fr, crumbmagazine.com,...), rapprochent le quatuor californien de Thee Oh Sees (origine géographique + impact sonore ?), mis aussi des Spacemen 3 (tiens, encore des hommes dans l'espace), du Velvet ou Jesus & Mary Chain, des groupes costauds et peu réputés pour leur foi éperdue en l'Humanité telle qu'elle s'égare dans des modèles sociétaux où la compétition érigée en mode de vie laisse sur le bord de la route une part de plus en plus conséquente d'elle-même. Ce qui nous permet de nous quitter sur la question suivante : le triomphe apparent du modèle culturel et économique anglo-saxon à la fin de la guerre froide n'a-t-il finalement pas consisté en une victoire à la Pyrrhus ? Fils de Youri Gagarine, cosmonautes de tous les pays, unissez-vous !
Ces quelques lignes, que nous devons à un auteur qui a préféré rester anonyme afin de s'effacer derrière la cause qu'il ou elle a voulu servir par l'intermédiaire de l'ouvrage intitulé Les principes du marxisme-léninisme, publié à Moscou en 1961, nous font d'abord sourire. Comment peut-on reprendre, ou pire, adhérer, en 2014, à cette rhétorique d'un passé que tous reconnaissent comme révolu ? Car force est de reconnaître que nos frères oriento-européens ayant constitué cette fameuse avant-garde du prolétariat révolutionnaire et socialiste nous ont longtemps envié de pouvoir regarder Dallas et de rouler en Renault 12... Tout vient à point à qui sait attendre, camarade ! Les dirigeants soviétiques, dans leur immense clairvoyance, ont élaboré une stratégie judicieuse, mais qui devait rester secrète afin d'en préserver la scientifique efficience : simuler l'échec économique et politique de la glorieuse révolution prolétarienne, afin d'endormir les défenses du capitalisme, dont les fondements seraient ensuite patiemment sapés, provoquant ainsi son effondrement sous l'effet de sa propre putréfaction, accentuée par les coups de butoir du Мягкий к власти, le « soft power » à la Russe.
Car il s'agissait de prendre la patrie du capitalisme à son propre jeu : derrière une réorganisation en profondeur de l'organisation avant-gardiste de la révolution mondiale, maquillée en effondrement du système, se cachait en réalité une volonté de s'appuyer sur la jeunesse occidentale, décérébrée par les idéologues du cosmopolitisme réactionnaire bourgeois inséparable de la rapacité du capital monopolistique, mais prête à l'imprégnation par des modèles proposant une analyse objective de la réalité mondiale, rigoureusement scientifique.C'est pourquoi, derrière le raidissement de sa politique étrangère constaté ces dernières années, en investissant dans les outils du « soft power » et de la « public diplomacy », la Russie souhaite, d'une part, améliorer son image internationale et, d'autre part, maintenir son rôle de puissance intégratrice centrale dans la zone postsoviétique. Le groupe Cosmonauts en est la plus éclatante preuve. Originaire des Etats-Unis, d'Orange County (Californie) plus exactement, c'est-à-dire du nombril du monde capitaliste, il semble accepter les fondamentaux du rock américain contemporain de meilleur aloi : post-rock très psyché avec un zeste de new-wave, voire de shoegaze (I'm So Bored With You me fait penser imparablement, et à chaque écoute, à quelque morceau de My Bloody Valentine entendu dans les années 90, agrémenté de la voix de canard de Les Claypool... Ne me demandez pas pourquoi). Quel rapport avec la Russie et le communisme, nom d'un Petit Père des Peuples ? Tout simplement le nom, camarade ! Un quelconque groupe américain, se serait nommé Astronauts, mais la glorieuse influence de la Patrie du Socialisme en a voulu autrement, sa magistrale influence culturelle se dévoilant ainsi dans sa tactique dite « du salami », qui vise à l'élimination des pouvoirs extérieurs au communisme, «tranche après tranche, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien », pour reprendre les mots de Mátyás Rákosi, chef du Parti communiste hongrois, en 1947. Rien qu'à l'idée d'un groupe made in USA se dénommant Cosmonauts, le cadavre putréfié de Joseph Mc Carthy se retourne dans la fosse septique qui lui sert de sépulture, ce qui constitue en soi une victoire du marxisme-léninisme.
Ce texte aurait pu s'intituler « Chronique de l'après-coup », car en plus de consister en une sorte de séance d'autocritique quant à une grille de lecture géopolitique erronée depuis près de vingt-cinq ans, il s'agit de réparer une absence de vigilance au sujet d'un album magistral sorti, il a plus d'un an et qui, de façon inexplicable, est demeuré dissimulé dans un angle mort de ma clairvoyance. Ce qui est totalement inacceptable et inexcusable, étant donné l'impeccable contenu de ce disque magistral. Je l'ai déjà exprimé plus haut, ce disque est la synthèse de genres musicaux trop vaguement définissables, l'effet produit se rapprochant d'une sorte de post-punk psychédélique. Un chant incantatoire, des guitares sinueuses, vicieuses et ensorceleuses, une basse omniprésente, une batterie paisiblement martelée : voilà qui nous change du psyché chiante et totalement vaine que l'Occident déverse par tombereaux depuis quelques années, car les compositions, largement servies par une production de qualité, surtout en vinyle, du fait de l'importance que revêt la basse, expriment un regard tourmenté : pas d'onirisme, de hippies, de flûte traversière, mais des murs de briques sales ou de béton humide, même sur les morceaux les plus posés, pour un ensemble facile d'accès, loin de tout élitisme du malsain. D'ailleurs, les vrais rédacteurs de chroniques, ceux qui découvrent les groupes au moment où ils sortent leurs disques et non un an après qu'ils ont publié leur troisième album (planetgong.fr, crumbmagazine.com,...), rapprochent le quatuor californien de Thee Oh Sees (origine géographique + impact sonore ?), mis aussi des Spacemen 3 (tiens, encore des hommes dans l'espace), du Velvet ou Jesus & Mary Chain, des groupes costauds et peu réputés pour leur foi éperdue en l'Humanité telle qu'elle s'égare dans des modèles sociétaux où la compétition érigée en mode de vie laisse sur le bord de la route une part de plus en plus conséquente d'elle-même. Ce qui nous permet de nous quitter sur la question suivante : le triomphe apparent du modèle culturel et économique anglo-saxon à la fin de la guerre froide n'a-t-il finalement pas consisté en une victoire à la Pyrrhus ? Fils de Youri Gagarine, cosmonautes de tous les pays, unissez-vous !