BROR GUNNAR JANSSON

And The Great Unknown, part II (Normandeep Blues) // Par Sedryk Reaktion
Lorsqu'un artiste casse la baraque avec un album, il y a une inévitable pression au moment d'enregistrer le suivant… et un fort risque de décevoir son public.
C'est face à ce cas de figure que s'est retrouvé le one-man-band Bror Gunnar Jansson, auteur en 2014 de la bombe ''Moan Snake Moan'', qui avait alors surclassé la concurrence. La tournée qui avait suivi (notamment un passage au Blues Rule) avait confirmé tout le potentiel du dandy suédois. Comment diable allait-il pouvoir donner un successeur à un tel album ?
 
Pour contourner la difficulté, Gunnar a d'abord détourné l'attention en tentant l'aventure du groupe avec Det Blev Handgemäng (un album, plus qu'honorable, sorti en 2015). Puis il s'est remis à l'ouvrage, en solo, pour donner vie à ce très attendu ''And The Great Unknown''. Le garçon a visiblement été inspiré, couchant sur bande tellement de bons morceaux que le label avait décidé de le sortir en 2 volets. Un premier EP de mise en bouche, sorti en février, nous avait rassuré : non, Gunnar n'avait pas perdu la main. Et voici maintenant le plat de résistance, avec ce LP complet.
 
De façon très futée, Bror Gunnar Jansson évite de faire une réplique de ''Moan Snake Moan'', tout en restant dans son univers sombre et habité. Sans doute à l'étroit dans la formule du one-man-band, il explore dans toutes les directions. Le raw blues d'antan est toujours là, mais ne représente plus la majorité du répertoire. Au lieu de ça, des trompettes de la Nouvelle Orléans (''Edward Young Took His Gun''), du saxophone joué par the man himself, des rythmes latinos (''I Ain't Going Down That Road No More''), un final quasi gospel sur ''O' Death'' avec choeurs et orgues Hammond. … Et puis le sommet du disque, les 10 mn de ''The Preacher'', sur lequel on ne peut éviter le dressage de poils intempestif. Une telle diversité laisse imaginer qu'il ne va pas rester seul sur scène ad vitam aeternam...
 
Et tout ce qu'on aime chez Gunnar est toujours là, la voix aigrelette, des personnages croisés sur de précédents disques, le son de guitare gorgé de réverb', la batterie jouée aux pieds… Un hommage tout particulier doit être rendu à Christoffer Johansson, producteur et ingénieur du son qui accomplit une fois de plus des prouesses. Le gars s'y entend pour poser une ambiance, en choisissant avec minutie la bonne réverbération ou le petit son perdu au fond du mix mais qui fait toute la différence.
 
Bref, aucune déception à l'horizon, ce ''And The Great Unknown'' en 2 parties est à nouveau un morceau de choix. Et laisse même présager, chez Gunnar, une créativité de plus en plus libre et épanouie, dégagée des chapelles et des dogmes. Hallelujah !