Bon comme le pin // The TRIFFIDS

La discothèque idéale (1986) // Trésor caché #001
          Enregistré dans une grange isolée au fin fond de l’Australie, cet album des TRIFFIDS, précurseur du courant LO-FI, est un chef d’œuvre bancal, tendre et rugueux.

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          Les TRIFFIDS se situent dans l’histoire de la musique sur une ligne de faille qui sépare l’estime respectueuse de l’oubli. Entre les deux classiques que sont Born Sandy devotional et Calenture, à la production ample, en harmonie avec les grands espaces de la Terra australis, on trouve le frêle In the pines qui pourrait faire figure de sympathique intermède. Seulement voilà, avec ses atours modestes et ses chansons inachevées, il est le joyau brut de la couronne des rois de Perth. Pendant dix ans, de 1979 à 1989, le groupe emmené par David McCCOMB a brillé au-delà de son île, faisant la une du NME et enregistrant ses albums en Angleterre avec la fine fleur des producteurs de l’époque (Gil NORTON et Stephen STREET) pour recueillir les lauriers de la critique. Mais l’essence des TRIFFIDS réside dans cette œuvre de 1986, enregistrée sur un huit pistes dans une propriété familiale éloignée de tout.
 
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Du pin et des jeux

In the pines est un disque de vacances, enregistré sans pression, avec un budget de 1200 dollars, dont la moitié dépensée en fioul et en alcool. Les musiciens jouent joyeusement à cache-cache avec la lumière (Suntrapper, Trick of the light), à l’ombre des résineux, « où le soleil ne brille jamais, et où j’embrasse ma fiancée » (In the pines). Mat SNOW, un journaliste du magazine MOJO considère cette œuvre comme le meilleur album de country enregistré par un groupe australien, précisant dans le même temps que la concurrence n’est pas bien relevée. Et si la présence spirituelle de Gram PARSONS se fait sentir sur Once a day, la reprise de Bill ANDERSON, les TRIFFIDS savent également se jouer des influences pour faire leur propre cuisine : on entend la guitare des voisins GO-BETWEENS (25 to 5), le phrasé du new-yorkais Lou REED (Love and affection), et surtout beaucoup... les TRIFFIDS. David McCOMB est le chaînon manquant entre Jim MORRISON et Nick CAVE (qui récupèrera par la suite le bassiste Martyn P. CASEY au sein de ses mauvaises graines, NDLR) . La même voix grave et étranglée, la même tension poétique. Mais ses compositions ont ici quelque chose de rugueux et de tendre, comme du bois de pin. Le manque de finition et les échardes n’abîmeront pas l’amour qu’on porte à cet étrange recueil.

Racines et Racine 

C’est parfois sur les îles qu’on trouve les trésors cachés. Et c’est sur une île déserte qu’on emmène avec soi ses albums préférés ; même s’il n’est pas sûr qu’on puisse les écouter dans la précarité de la vie sauvage. Disque insulaire, In the pines est le fruit d’un isolement volontaire. Libéré des contraintes de l’industrie musicale et des coûts de production, il devient un objet hors du temps, qui ne porte pas la marque des arrangements datés des années 80. Il s’enracine dans un terroir, pour se ramifier à la manière d’un arbre généalogique, à travers treize morceaux trop modestes pour devenir des tubes. Et c’est peut-être la tragédie de ce groupe que d’avoir cherché la gloire en se déracinant, faute de la trouver sur son propre sol. Déçus par le peu de succès public et séparés après la sortie du britannique et inégal The Black Swan, les TRIFFIDS se sont vu refuser la postérité. David McCOMB décèdera dix ans plus tard de complications cardiaques et de divers abus ; ses cendres seront dispersées aux pieds des pins de la propriété familiale qui servit pendant quelques semaines de résidence à ce génie méconnu.
 

Paul MÉGLOT

(07septembre 2021)

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The TRIFFIDS – In the pines (Hot Records/Virgin, 1986)
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Pour prolonger...

À écouter de toute urgence, en prenant le temps :
     The TRIFFIDS - Treeless plain (Hot Records, 1983)
     The TRIFFIDS - Born Sandy devotional (Hot Records, 1985)
     The TRIFFIDS - Calenture (Island Records, 1987)


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Photographies : Paul Méglot & bingO
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Illustrations : bingO
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pins1_500.jpg, by Bingo

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