Black Strobe

Godforsaken Roads (Black Strobe Records) // par Anton Schaefer
De nombreuses années séparent la sortie du premier album de Black Strobe, « Burn Your Own Church » et ce « Godforsaken Roads ». Il y a eu, entre temps, de nombreux maxis et les escapades solitaires d’Arnaud Rebotini, notamment avec son super album « Someone Gave Me Religion ». On retrouvait également Rebotini à la production de l’album de Yan Wagner et à la composition de la bande originale pour le film Eastern Boys. Mais c'est avec joie que nous avons appris la sortie, tant attendue, de « Godforsaken Roads » : la voix grave de Rebotini associée au son de Black Strobe, c'est comme entendre Nick Cave chanter sur Poni Hoax, comme imaginer la rencontre entre Son House et New Order. Car, comme ce dernier, Black Strobe a réussi le mélange parfait entre rock et électronique. 
À l'écoute de ce second album, force est de constater que le groupe a longtemps travaillé sur ce disque pour amener les morceaux jusqu'à maturité. Sur cet album, nous retrouvons alors avec un plaisir non dissimulé des morceaux déjà sortis sur maxis ces dernières années : l'imparable « Boogie In Zero Gravity », ou bien encore « Girl From The Bayou ». La meilleure chanson du disque, « Broken Phone Blues », représente un parfait morceau d'ouverture d'album par son caractère puissant et jouissif. Et, on retrouve ici ce blues électronique si cher à Depeche Mode. Le réel intérêt de la démarche de Black Strobe sur « Godforsaken Roads » réside dans le fait que l'hommage et les références au blues sont sublimés par les apports électroniques : là où d'autres auraient pu se contenter de coller au folk blues traditionnel, la patte synthétique de Black Strobe confère à l'album une modernité qui a au moins le mérite de proposer quelque chose de frais.
Si cet album bénéficie d'une meilleure production que le précédent, « Burn Your Own Church », il est également moins agressif. L'ensemble est réussi et très efficace, mais ne laisse aucune place à la prise de risque. Par exemple, je regrette l'absence de morceaux bouleversants, comme pouvait l'être le tragique « Crave For Speed » du premier album. Ce groupe qui nous avait jadis habitué à plus de folies (on a encore en mémoire le bouillonnant « Shining Bright Star »), ici semble bridé par le cadre qu'il s'est lui-même fixé. Les chansons de « Godforsaken Roads » sont bonnes (comme par exemple « From The Gutter » et « Dumped Boogie »), mais il manque encore quelque chose : cet album aurait pu être parfait s'il avait réussi à être la synthèse entre la très bonne production qu'il propose et l'urgence mise en musique par le premier disque de Black Strobe.