Benjamin Booker

Violent Shiver (Rough Trade) // par Laetitia Lacourt

On avait des garagistes, des chauffagistes (ZHOD) et même des vététistes (Mountain Bike) ! On a désormais notre électricien : Benjamin Booker. Découvert en live au printemps dernier à la Mécanique Ondulatoire, on était ressorti abasourdi par la capacité du garçon à délivrer une telle charge émotionnelle via un son dénudé de toutes fioritures. C'était brut, furieux, hargneux : bien plus qu'un courant qui passe bien, ce fut un véritable coup de foudre.

Élevé à la Nouvelle Orléans puis en Floride, bercé par le gospel, choriste dans une église : la vie du petit Booker prend un virage plus rock'n'roll lorsque ses parents lui offrent une guitare pour ses 14 ans. Comme beaucoup d'ados de son âge, il aime le skate et Nirvana. Comme peu d'ados de son âge, il se prend une grosse claque lorsqu'il découvre Blind Willie Johnson, brillant bluesman des années 30. À peine, dix ans plus tard, nourri par cette musique cotonneuse, mais aussi par Sonic Youth, Outkast, le Gun Club ou les White Stripes, le jeune prodige finit par poster quelques-unes de ses vidéos. C'est l'ascension fulgurante : il quitte son job de serveur en novembre et file en tournée en première partie de Jack White. Le printemps français se réveille avec lui. À peine eut le temps de voir bourgeonner ce talent qui nous éclot en pleine tête un soir de mai. Avec pour seule lumière l'excellent 45T Violent Shiver pour éclairer notre été, il a alors fallu attendre le 18 août pour découvrir son album. Électrocutant comme un courant de 30 milliampères qui vous traverse le corps, enveloppant comme une nuit chaude d'été qui tombe : l'album de Booker est composé de douze mélodies au blues rock instinctif et primaire, ponctué d'accords sauvages et de riffs spadassins.

Il s'ouvre avec le fameux « Violent Shiver », titre survolté et imparable pour lequel il avait « peut-être en tête le morceau Teenage Riot de Sonic Youth, mais en plus bluesy » selon une interview accordée aux Inrocks. « Always Waiting » et « Chippewa » continuent sur cette lancée furieuse posant les bases d'une musique qui ne répond qu'à l'urgence. Première balade avec « Slow coming », morceau soul et langoureux que n'aurait pas renier Otis Redding. Du même acabit que « Violent Shiver », « Wicked Waters » célèbre la vitesse et la fureur. Sublime. Rebelote avec « Have You Seen My Son », titre fabuleux de cinq minutes dont la moitié est réservée aux solos d'instruments. Face B : « Spoon Out My Eyeballs » commence dans un murmure sensuel, monte doucement en température puis finit brûlante, violente et sauvage. Si « Happy Home » et « Old Hearts » s'inscrivent dans la lignée de la face A, les pistes « I Thought I Heard You Screaming », « Kids Never Growing Older » vous laissent sur le carreau : deux balades à forte charge mélancolique qui met en valeur la voix grippée et rugueuse de Booker. C'est parfait pour emballer, aucune femme ne peut résister.

Comme des adieux, le dernier titre « By The Evening » est assez déchirant avec son intro acoustique et vous transporte quelque part dans les années trente au Sud des Etats-Unis, avec pour seul décor une voie ferrée, un café brinquebalant et un champ de coton.

Et sachez que pour tout dépannage, l'électricien interviendra le 14 novembre à la Cigale, dans le cadre du Festival Les InRocKs. Fiat Lux !