Augenwasser

Drones & Love Songs (Bongo Joe Records) // Par Julien Marty
Je ne sais pas si la musique possède des pouvoirs ? Certains lui prêtent beaucoup de vertu et d’autres la trouvent futile. Selon moi, la musique prend l’espace que l’on accepte de lui laisser dans sa vie, dans son corps et son esprit. J’ai mis un certain temps à pénétrer dans l’univers du Suisse Augenwasser. Cet album se mérite. Il ne peut pas s’écouter d’une oreille distraite. On doit le comprendre, y revenir avant d’accéder au Graal. Car dès que « drone & love song » est apprivoisé, un champ des possibles s’ouvre à nous. L’impression d’une ballade fantomatique dans une forêt centenaire à la découverte de rites ancestraux, des images de films de science fiction prophétiques,… Ce premier LP de Augenwasser est un comme un petit champignon qui encourage l’esprit au vagabondage. Certaines instrumentales telles que Happy Warm Playfull sont des constructions méthodiques par nappes synthétiques, acoustiques et distordues de paysages sonores. C’est donc à Zurich, au milieu des Alpes, que j’ai imaginé le mégalithe de Kubrick.

Augenwasser est un musicien doublé d’un créateur sonore. « Drone & Love Songs » n’est pas un album concept mais une montée en puissance dans l’univers racé de Elias Raschle (batteur de Roy and the Devil Motorcycle club). Construit au fil de l’eau, l’album s’ouvre sur What’s on your mind aux sonorités lancinantes presque indolentes dans lequel les guitares me rappellent les superbes Subsonic. Augenwasser navigue entre titres folks assez épurés (guitare, basse et voix trainante presque en sourdine) tel que On my way ou Sweet Defeat, instrumentales folks quasi relaxantes avec Quiet Machines ou Ciao et drones musiques synthétiques inclassables mais incroyablement addictives (happy warm playfull, Asleep at the while).

Première signature du label genevois Bongo Joe Records, Augenwasser est un artiste anti-commercial qui livre un album difficile d’accès. Pas de mélodies simples et entêtantes que l’on fredonne naturellement sous sa douche, pas de refrains addictifs et sautillants. Augenwasser nous offre un univers, une porte bien vérouillée vers des voyages oniriques. Il ne vous reste plus qu’à trouver la clé car cela vaut vraiment le coup.

NB : gros bémol concernant l’artwork de « Drone & love song » qui relève clairement de la faute de goût. Si Elias, qui semble être un artiste complet est à l’origine de ces dessins, je lui conseille vivement de se consacrer pleinement à la musique.