ANTEENAGERS MC / PIERRE & BASTIEN / BOSOM DIVINE / SUBTLE TURNSHIP au Cirque Électrique

La quadrature du carré // Par Nathalie Troquereau
Quadrature du carré I Cirque Electrique - Paris I 15 novembre

Samedi dernier offrait deux alternatives : 1. Cuver ton énorme cuite de la veille en regardant Ruquier et te dégoûter pour ça. 2. Bouger ton boule jusqu'à Porte des lilas pour la soirée de concerts « LA QUADRATURE DU CARRÉ » qui affichait ANTEENAGERS MC / PIERRE & BASTIEN / BOSOM DIVINE / SUBTLE TURNSHIP au Cirque Électrique. Pour les absents, il existe encore deux options : 1. Lire la session de rattrapage sur Casbah avec ce live report. 2. Se procurer le split des 4 groupes sorti à l'occasion de la soirée, en vente chez ton marchand de sillons.
La consigne était stricte. Annoncée, matraquée depuis des jours à coup de drapeaux rouges émergeant du bleu facebookéen. « Pas de préventes. 150 places maximum. Premier concert à 20h pile. VRAIMENT. »
Rendez-vous devant le Cirque Électrique à 19H30, l'heure où l'on couche les poules, mais, paradoxalement, il fait nuit depuis déjà une éternité et l'envie d'oublier comment on s'appelle s'est calquée sur l'horloge hivernale. Une fois les places en poche et le poigné marqué du sceau de la soirée, on s'enfile une Chimay sur les marches, attendant les coups de 20H. Gloups, on y va. En se faufilant dans la file d'attente pour accéder à la salle, on assiste à des tentatives de resquillage, ça sent l'embrouille, le public de mauvaise foi, en retard, et des méchants pas habitués à jouer ce rôle. On n'est pas au Zénith. Anteenagers MC s'est mis en place, la fosse est pleine comme un œuf, ça démarre.
Une voix débraillée, digne des Buzzcocks, emplie l'espace. Elle sonne fort dans les veines, et les musiciens qui l'accompagnent, conformes au thème de la soirée, jouent archi carré / archi efficace. Côté public, chacun fait tourner sa tête en girouette en direction de la scène, cherchant d'où vient cette voix qui lui gueule dessus si jouissivement. Les groupes qui décident de laisser le batteur au fond de la scène, derrière les autres, alors qu'il est aussi le chanteur, imposent toujours un certain respect. C'est le bassiste qui occupe le centre. D'aucuns jugeront le procédé d'anti jeu de scène, on le qualifiera ici d'acte de bravoure. La groupie va-t-elle danser sans visualiser le leader ? La réponse est oui. Et qu'importe la configuration, ils sont bons, donc tout passe. Du bon vieux punk rock de filiation anglaise. Anteenagers MC conquiert la foule à une heure de grande écoute et de grande sobriété, malgré un chanteur caché et une horde de mécontents qui hurlent derrière la porte pour entrer. Fin du set. Pas de révolution à l'œuvre, mais pas de regrets.
On se fraye un chemin dehors comme une bande VIP à la manque. Direction le bar qui se tient dans le bâtiment d'en face. Étrange lieu qui mélange ambiance belge avec ses violentes effluves de frites et ambiance disco à coup de boule à facettes et de murs violets. Un lieu qui dépayse, (voire déracine) une grande partie du public de ce soir, habitué (voire natif) de la Mécanique Ondulatoire. On boit un petit verre avec les refoulés du soir, échoués en terrasse avec leur pinte. Gloups, allez, bonne soirée quand même les gars !
Deuxième volet de la série : Pierre et Bastien. Le morceau « Luxe » fait office de scène d'exposition. « Je m'appelle Paul Jimenez, Frederic Trux ! Baptiste Nollet ! Et c'est difficile d'être un mec, en Île-de-France ! » Voilà pour ceux qui ne connaîtraient pas encore le meilleur trio de punk français (et dans le texte) du moment. Durant tout le set, on entend autant le chanteur que ses fidèles qui beuglent les paroles, moitié morts de rire, moitié en transe. Lui impassible, sérieux, sombre. Son guitariste est en fusion avec l'ampli à qui il semble vouloir faire l'amour, quant au batteur, il tabasse son instrument redoublant la violence et le sens des mots qu'il appuie. Ça saute, ça rit, ça jette de la bière tiède. Entre chaque chanson, on entend un type lancer inlassablement la même private joke d'une voix de rugbyman enragé, « Espèce d'énoooorme fils de puuuute ! », ce qui rend hilares les trois freaks sur scène. On ne s'ennuie jamais à un concert de Pierre et Bastien. Une valeur sûre. Ils nous jouent leur dernier LP, succession de tubes tels « Cancer », « Guitar Hero », « Facho ». En sortant, le pote qui m'accompagne affiche un air perplexe. « J'ai pas trop entendu les paroles...J'ai l'impression qu'il y a un truc très affectif de la part du public. Et comme je ne connais pas, bah...j'ai moins accroché. » Choquée, je défends leur musique. Puis je stoppe, normal qu'ils ne créent pas le consensus.
Une vague de chaleur s'échappe de la salle, tout le monde sort pour une clope avant le set des Bosom Divine. Du garage de bonne qualité, bien qu'un peu traditionnel, signé chez les Disques Steak. Problème : je tombe sur une copine perdue de vue depuis quelques années. « (...) Et ta sœur, comment elle va ? Ah, mais c'est super ça ! Moi ? Oh ,tu sais, pas grand chose, j'écris des petits trucs à droite à gauche...D'ailleurs, il est quelle heure là ? Ça fait longtemps qu'on parle ??? » Eh merde. Pas de Bosom Divine. Terminé. Il manquera un angle à mon carré.
On ne rate pas deux fois le coche, c'est l'heure des Subtle Turnship qui viennent clôturer la soirée. Les mecs sont des clowns déguisés en musiciens. Le batteur arbore une combi pyjama zippée, laissant dépasser les poils de son torse dont la virilité contraste avec son habit de Peter Pan attardé. Des cheveux hirsutes et bouclés achèvent d'en faire un être absurde. Ça part dans tous les sens, et même si le son est pas mal, on retient plus la présence incongrue de ce trio plutôt que la musique qu'ils nous soumettent. Drôles, ils sont parfaits pour une fin de soirée où tout le monde est assez ambiancé pour accepter n'importe quelle proposition, du moment qu'elle cogne.
En remontant le fil jusqu'aux 20H originel, on se dit que le groupe inaugural, Anteenager MC, était le plus pro des quatre (enfin, en l'occurrence, des trois). En inversant absolument l'ordre de passage des groupes, peut-être aurait-on obtenu la quadrature parfaite du carré. Mais comme personne ne sait vraiment à quoi ça ressemble ni ce que ça signifie, on s'en fout pas mal. Bordélique et bruyante, on dira que c'était une quadrature réussie.