Pour le pire comme pour le moins mauvais du centre-mou, les vieux artistes sont de retour (ou peut-être n'avaient-ils jamais disparu ? ). Notre correspondant Suisse passe en revue une sélection d'albums et file quelques coups de charentaises au passage.
Par ici la bonne soupe !
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Ok, ok ! ce titre est quelque peu méchant. Les vieux, c’est souvent sympa et nous, on les aime bien les vieux ! Mais force est de constater qu’en cette fin d’année 2022, les vieilles stars du show-biz ont décidé en masse de sortir un énième album. À l’écoute de chacun d’eux, la question se pose : était-ce nécessaire ? Survol en ordre alphabétique sur la tentative de jeunisme ou de renflouement des caisses pour payer le fisc à la veille des fêtes de Noël.
De la soupe ? A-HA, mort de rire !
Eh oui ! faut bien commencer quelque part. Alors voilà, fin octobre, les Osloviens de A-HA ont décidé de s’y remettre, pour la bonne cause, la planète, l’entraide et l’amour de son prochain, du grand Nord et des ours polaires. C’est vrai que A-HA, c’est quand même un maxi succès new-wave-synthpop des années 80, avec l’inoubliable Take on me (Hunting high and low - Warner Bros, 1985) et son vidéo-clip novateur, mélange de séquences réelles et de séquences animées. Rien que pour cela : respect. Mais après deux séparation – reformation (1994 / 2010) et dix albums, était-il bon de repartir en piste avec un nouvel album ? On l’a écouté et ce nouvel opus, qui sonne plus comme du Jay Jay JOHANSON enjoliffié à grand renfort d’IA que du A-HA, peut facilement être qualifié de… soupe (avec une faible exception pour Summer rain, mais très faible) ! En fait, pour être totalement franc, si le LP ne portait pas le nom prestigieux de A-HA, personne n’y prêterait attention et c’est peu dire. Plates, fades, limite gnian-gnian, les balades se succèdent sans saveur ou presque, sorte d’instantanée Liebig industrielle bourrée de glutamate addictif, histoire de sauver le business. La production léchée, propre à l’excès, tout autant que la voix morrissienne de Morten HARKET, n’y changent rien. Quand c’est mauvais, c’est mauvais. Donc réponse à la question « était-il bon de repartir en piste ? ». Pour les A-HA, la réponse est clairement : Non ! True North sera probablement l’album de trop ! N’est pas Henri SALVADOR qui veut !
Quand de vieux-jeunes singes nous apprennent à faire la grimace
Comparés aux autres groupes de cet article, les ARTIC MONKEYS ne sont pas très vieux (juste une petite génération de moins, des broutilles). Fondé en 2002, en Angleterre, le groupe galère à trouver un label et ne perce qu’en 2005-2006 avec le single I bet you look good on the dancefloor (Whatever people say I am, that’s what I’m not - Domino Records, 2006), qui se hisse immédiatement en tête de charts britanniques. Dès lors, les succès s’enchaînent et la gloire les environne, faisant des ARTIC MONKEYS des rivals d’OASIS ou des STROKES, jouant à guichets fermés, etc. Leur musique est punchy, vive, dansante, au frange du bon vieux punk qu’on ne regrettera jamais assez. Tout pour plaire aux Britons et autres anglosaxonnés. Mais ça, c’était avant. Fin octobre, les ARTIC MONKEYS ont sorti leur 7ème album, The car (Domino Records, 2022) et là, le moins que l’on puisse dire, c’est la cata. Le groupe avait déjà pris un virage plus plan plan avec l’opus précédent, Tranquility base hotel and casino (Domino Records, 2018). Avec The car, le groupe veut naviguer sur les rivages de la Soul musique, mais la sauce ne prend pas et le navire coule… à pic. Les ARTIC MONKEYS nous offrent dix morceaux d’une platitude extrême, qui s’enchaînent mécaniquement, ennuyants et poussifs à mourir, d’autant plus que le chanteur, Alex TURNER, n’a pas du tout la voix pour de la Soul. Elle manque de profondeur à la Marvin GAYE ou de chaleur à la Al GREEN. Pire, on a l’impression que TURNER a suivi des cours de diction avec un maître ès linguistique et surarticule à l’envie les syllabes. Quant au guitariste solo, un débutant à la pédale Wah Wah ferait mieux que lui (Big ideas). Inutile de tourner autour du pot. L’écoute de The car a été proche de la torture et nous avons dû nous forcer pour l’écouter intégralement, au cas où une surprise apparaîtrait. Rien, que de l’ennui et du dégoût tant les ARTIC MONKEYS nous avaient habitués à une musique vive et franche. Un ratage complet !
BJEURK ?
Découvrir un nouvel album de la Reine des neiges de la pop est toujours un évènement. Rien que de lire ou d’entendre le mot BJÖRK, immédiatement la mélodie et les paroles de Bachelorette (Homogenic -One Little Indian, 1997) éclatent à l’esprit joyeux de s’abandonner au souvenir, mais cela aurait pu aussi être Venus as boy ou Violently happy (Debut -One Little Indian, 1993). Symbole même de la créativité depuis le début des années 1980, avec Les SUGARCUBES, BJÖRK ne cesse d’innover, d’aller de l’avant et de franchir les frontières les plus improbables, sans se soucier le moins du monde du qu’en dira-t-on. Et elle le peut, car cette créativité touche au génie que ce soit dans la musique, la vidéo, la mode, le cinéma... Ce dernier opus, Fossora (One Little Indian, 2022), sorti en ce début d’automne 2022, n’échappe pas à la règle. Tourné vers la Terre mère, dans un retour aux sources forcé par la mort de sa propre mère, Hildur Runa HAUKSDÓTTIR, en 2018, et le confinement imposé par la pandémie de Covid-19, BJÖRK plonge au tréfond des entrailles de son univers et exprime sans ambages, la douleur, le doute, la peur, l’amour, la force de la Nature et l’importance de la préserver. Elle implique même ses enfants sur certains morceaux. Fossora est, dès lors, très loin des envolées mélodiques qui ont fait le succès de Homogenic. Tout au contraire, suivant la pensée de Gustave FLAUBERT selon laquelle « Il faut écrie pour soi, avant tout. C’est la seule chance de faire beau », BJÖRK n’hésite pas, retour aux sources oblige et elle fait beau, très beau. Et le résultat, le moins que l’on puisse dire, est surprenant, dérangeant et tout à la fois somptueux (en particulier visuellement, avec des vidéo-clips (Atopos ou Ovule) et des costumes qui feront pâlir d’envie le monde suranné de la mode d’aujourd’hui). Fossora est simplement un album brutal, froid, désagréable à l’écoute (qu’on pense à Victimhood), n’ayons pas peur de le dire, plus proche de la musique classique contemporaine que de la pop music. Mais malgré tout, il est remarquable par sa liberté d’expression et ses prises de risques réussies. C’est un élément essentiel et complémentaire de la discographie / de l’œuvre de BJÖRK, une réussite musicale et artistique incontestable qui s’intègre parfaitement dans le projet global de BJÖRK, mais c’est aussi son album le plus ardu, le plus difficile à l’écoute, si bien qu’il n’atteindra pas son public traditionnel, et encore moins le grand public. Il figure d’ailleurs, dès à présent, comme le plus mauvais départ commercial pour un album de la diva islandaise. Mais qu’importe, ce n’était pas son but. Fossora est tout à la fois une introspection et un exutoire pour l’artiste, voire une prise de conscience, avant d’être un objet commercial ou une œuvre à offrir en pâture au public. Nous l’avons personnellement écouté trois fois pour être sûr de bien comprendre ce que nous entendions et ressentions alors que les sons si peu familiers parcouraient nos neurones et stimulaient nos synapses, mais clairement, on peut dire qu’il n’y a aucun désir en nous de l’écouter une fois de plus. Pas une seule des treize chansons de Fossora ni fait exception. BJÖRK devait faire cet album, pour elle. Point. Nous, on retourne, en attendant la suite, aux anciens LP, quelque peu désappointé, mais impatient de découvrir la suite.
Losing my religion
Alors là, c'est le pompon ! LAMBCHOP, on le sait, n’est pas vraiment un groupe au sens propre du terme, c’est plutôt un projet évolutif apparu en 1986, à Nashville, Tennessee (USA) sous la houlette de Kurt WAGNER. Résultat, une production explosive, dont pas moins de seize albums studio. Le line up est tellement évolutif que pas moins de vingt-six membres ont défilé au cours des années, en plus de WAGNER, toujours aux manettes. Pour ce dernier opus, The bible (Merge Records, 2022), tous les membres sont nouveaux et le résultat… On ne sait plus trop. En fait, cet album donne l’impression d’être une expérimentation d’un musicien qui découvre le « voice coder » (avec ou sans Vocoder) et bidouille avec (A little black box, mélange de funk et d’électro raté, ou A major minor drag, par exemple), tout en se prenant parfois pour Paulo CONTE ou Albert COHEN (Daisy). Au final, il n’y a rien à retenir des dix morceaux de The bible, qui n’a rien, mais alors absolument rien de messianique ni même d’intéressant. Après un seul morceau seulement, on souhaitait la fin de la découverte, qui fut simplement un désastre total…
Des lutins vraiment très petits
Entendre ou lire « PIXIES », tout comme pour BJÖRK, c’est automatiquement voir son cerveau prendre le contrôle et chanter Monkey gone to heaven (Doolittle - 4AD, 1989), l’une des rares chansons qui nous poursuit jour après jour, inlassablement. Alors apprendre qu’un nouvel album des PIXIES est sorti : que du bonheur et beaucoup d’espoir. « If man is five, if man is five, if man is five, then the devil is six, then the devil is six, then the devil is six, then the devil is six, and if the devil is six, then God is seven, then God is seven, then God is seven. This monkey’s gone to heaven »… Cela dit, on aurait pu prendre Here comes your man (également sur Doolittle) ou, mieux encore, Where is my mind (Surfer Rosa - 4AD, 1988). Les PIXIES, c’est tout simplement un groupe phare des années 80, avec un son unique (basse et guitare) et la voix pénétrante de Frank BLACK / Black FRANCIS (suivant les humeurs). Après une séparation - reformation (1993-2004) et sept albums, il semblerait que la bande ait eu besoin de s’exprimer encore un peu et de transmettre sa vision du monde : pantoufler, c’est la vie ! Quoi qu’il en soit, dès les premières notes de Nomatterday, premier morceau de Doggerel (BMG, 2022), ça y est. La ligne de basse sobre, claquante, embarque l’auditeur. Les guitares apparaissent avec la voix de BLACK le magicien et la magie opère réellement. Le sourire aux lèvres, ça commence bien. Et puis, plaf, au bout de deux minutes, rupture et oui, on est bien dans le monde type des PIXIES. Le son ne ment pas. Les PIXIES sont bien de retour. Ça va être jouissif. Le volume monte, automatisme quasi névrotique. L’espoir est là. L’attente est longue avant la découverte des titres suivants… Aussi, après 4 minutes, le deuxième morceau s’enclenche… Bof ! Puis le troisième… Bof ! Le quatrième, le cinquième, le… douzième. Bof ! La galette retombe à plat. Le moral dans les chaussettes. « This monkey’s gone to hell » ! Quelle déception ! Encore un album de trop en cette fin 2022 pour des vieux brisquards du Rock. La poisse !
Piments rouges sans saveur
C’est peut-être pour nous le plus attendu des albums de cet automne, car jusqu’à aujourd’hui les PEPPERS ne nous ont (pour ainsi dire) jamais déçu en douze albums. L’écoute du dernier, Return of the dream canteen (Warner, 2022) reste cependant mitigée. Le son est là. Les morceaux sont percutants, les textes fidèles, mais aucun titre ne sort du lot (à part peut-être Bag of grins). On est très très loin de Dark necessities (The gateway - Warner, 2016), Give it away (Blood sugar sex magik - Warner, 1991) ou encore Californication (Californication - Warner, 1999). Dommage ! Peut-être qu’avec le temps, on prendra plaisir à le réécouter ce 13ème album, mais pour l’heure, on préfère les anciens… et de loin !
Plaisir simple
Courageux et plein d’espoir que quelque chose de bon sortira de tous ces albums de vieux, on lance le plus que 20ème album des SIMPLE MINDS, formés en 1977 du côté de Glasgow. Tout frais éclos, Direction of the heart (BMG, 2022) comporte onze titres. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les papys (cf. vidéo-clip de First you jump) n’ont pas perdu la main et savent encore composer des tubes, du moins, un tube : First you jump, qui, à n’en pas douter sera un titre qui va tourner sur les radios pendant quelques temps, grâce à son refrain parfait. SIMPLE MINDS n’innove certes pas. La bonne vieille recette de Alive and kicking (Once upon a time - Virgin, 1985) est encore appliqué avec méthode, mais au moins, ça a le mérite de fonctionner. Pour le reste, les morceaux de l’album sont plus proches du remplissage que des hits et on n’échappe pas aux sujets tendances, comme « sauvons la planète » ! M’enfin, comparer aux quelques albums ci-dessus critiqués, faut pas se plaindre. On a au moins eu un peu de plaisir à l’écoute. C’est déjà pas si mal !
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les sorties album des Stars du rock ou de la pop, en cette fin 2022 sont des plus décevantes. Ce que l’on peut dire cependant, c’est qu’écoutant et découvrant de nouveaux artistes tous les jours sur le Web, on s’aperçoit que nos Stars vieillissantes (BJÖRK exceptée) ont tendance à nous vendre des galettes généralement réchauffées et insipides, tout juste bonnes à remplir leur compte en banque et nous faire perdre notre temps. Oui, ils ont eu du talent ! Oui, quelques-uns d’entre eux en ont encore ! Mais il y a mille fois mieux sur le Web, en libre accès, inconnu, mais brillant de créativité, d’intelligence, d’originalité. Alors, non, ces inconnus ne savent pas se vendre. Alors, oui, ils sont étouffés par le parasitage des « plus grand(e)s » et de leurs lèches-bottes radiophoniques ou journalistiques qui continuent à encenser ce qui ne le mérite pas, totalement à la solde du système. C’est honteux, mais c’est. L’idée maîtresse du business, en fait, tient non pas compte de la vente des albums, mais dans l’attente des retombées sonnantes et trébuchantes engrangées à l’occasion de la « nouvelle » tournée à venir, suite à la sortie du « nouvel » album, durant lesquelles les fans, plus que les « nouveaux morceaux », attendront avec impatience le live de leurs morceaux favoris. Faire semblant de faire du neuf avec du vieux. Et ça marche ! Sinon, pourquoi les places de concert auraient-elles pris l’ascenseur niveau prix, suivant une courbe exponentielle, ces dernières années ?
Plutôt que d’acheter ou de se précipiter sur « le dernier album de », il vaut mieux aujourd’hui, et de loin, parcourir les Bandcamp, Grooveshark, Soundcloud, 8tracks, Helvetiarockt, ou notre chouchou MX3, à la découverte de mondes insoupçonnés, inépuisables de bons sons et de tentantes mélodies à faire tourner en boucle, bien loin du mainstream mercantile des majors devenues inutiles sinon pour enrichir ceux qui le sont déjà, les plus riches.
GROTOTORO (en direct de Genève)
(09 décembre 2022)XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
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A-HA. True North (Swinglong Ltd – RCA, 2022)
ARTIC MONKEYS. The car (Domino Records, 2022)
BJÖRK. Fossora (One Little Indian, 2022)
LAMBCHOP. The bible (Merge Records, 2022)
PIXIES. Doggerel (Infectious Music, 2022)
RED HOT CHILI PEPPERS. Return of the dream canteen (Warner, 2022).
SIMPLE MINDS. Direction of the heart (BMG, 2022)
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Photographies : bingO
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