Un disque non épilé // Par bingO
Au commencement, en 1997, était Mendelson. Le fabuleux premier album du groupe (L’avenir est devant) décomplexa de nombreux artistes en devenir, dépassant même La fossette ou Boire, de qui vous savez. Leur grande liberté musicale restera présente dans tous les albums qui suivront, aux confins de l’expérimental, du jazz, du post-rock. Quant aux textes, Pascal Bouaziz demeure l’un des meilleurs paroliers français qu’il nous fut donné d’entendre, d’écouter et de lire, en témoigne la majestueuse 1983 (Barbara). Toujours aux commandes de Mendelson, il a aussi d’autres projets parallèles sous le feu : des haïkus mis en musiques, en solo, et puis Bruit Noir. Ce duo singulier qu’il forme avec Jean-Michel Pires sort son deuxième album sur le label nancéien Ici d’Ailleurs, écurie -entre autres- de Michel Cloup et Gontard.
Oreilles sensibles, gare à vous ! On n’entre pas dans un disque de Bruit Noir sans être disponible, ouvert et concentré. Les longues plages atmosphériques, réverbérées ou cinématographiques évoquent Brian Eno, Angelo Badalamenti ou le semi-berlinois The Idiot d’Iggy Pop. Le bruit annoncé dans le nom du groupe n’est donc point musical, mais provient plutôt du fracas des mots, bien que chuchotés et murmurés, la plupart du temps.
En pleine crise de la 45ème année, Pascal Bouaziz pose des questions (« Tu connais l’histoire de l’animal le plus intelligent ? » ; Vaut-il mieux être, de temps en temps, un vrai salaud ou un faux- gentil tout le temps ? ) et nous jette en pâture moult références filmiques, musicales, littéraires, ne se gênant pas pour égratigner d’intouchables icônes et génies, tels Jeanne Moreau ou Daniel Darc. Il faut écouter l’hommage irrévérencieux à ce dernier, sur une chanson qui, comme celle de Taxi Girl en 1984, s’intitule Paris.
Le regard porté sur notre époque, les lieux, nos vies modernes est plus que désespéré et cynique : tout n’est que ruines, cadavres, noirceur, collaboration. Pascal Bouaziz est au-delà de l’aigreur ou de la nostalgie misanthrope. Le voilà dictateur en puissance rêvant de juger les journalistes musicaux et d’envoyer au poteau d’exécution les programmateurs de salles qui l’oublient. Une sorte de nouvelle révolution culturelle, presque.
Contrairement à ce qu’il annonce en ouverture dans le titre Le succès, ce n’est pas « encore un album pour que dalle ». Nécessaire par sa noirceur dérangeante, ce disque plombé (et non épilé) gratte et continue de le faire, même quand le dernier titre s’arrête (Partir nous invite alors à y revenir, en appuyant à nouveau sur la touche play de la platine).
bingO, le 05 février 2019.
[complément sonore : émission Rock à la Casbah#647 du 30/01/19]
Références :
Bruit Noir. II / III (LP). Ici, d’Ailleurs, 2018.
Mendelson. L’avenir est devant (LP). Lithium, 1997.
Pascal Bouaziz. Haïkus (LP). Ici, d’Ailleurs, 2016.
Iggy Pop. The idiot (LP). RCA, 1977.
Taxi Girl. Paris (45). Virgin, 1984.
Oreilles sensibles, gare à vous ! On n’entre pas dans un disque de Bruit Noir sans être disponible, ouvert et concentré. Les longues plages atmosphériques, réverbérées ou cinématographiques évoquent Brian Eno, Angelo Badalamenti ou le semi-berlinois The Idiot d’Iggy Pop. Le bruit annoncé dans le nom du groupe n’est donc point musical, mais provient plutôt du fracas des mots, bien que chuchotés et murmurés, la plupart du temps.
En pleine crise de la 45ème année, Pascal Bouaziz pose des questions (« Tu connais l’histoire de l’animal le plus intelligent ? » ; Vaut-il mieux être, de temps en temps, un vrai salaud ou un faux- gentil tout le temps ? ) et nous jette en pâture moult références filmiques, musicales, littéraires, ne se gênant pas pour égratigner d’intouchables icônes et génies, tels Jeanne Moreau ou Daniel Darc. Il faut écouter l’hommage irrévérencieux à ce dernier, sur une chanson qui, comme celle de Taxi Girl en 1984, s’intitule Paris.
Le regard porté sur notre époque, les lieux, nos vies modernes est plus que désespéré et cynique : tout n’est que ruines, cadavres, noirceur, collaboration. Pascal Bouaziz est au-delà de l’aigreur ou de la nostalgie misanthrope. Le voilà dictateur en puissance rêvant de juger les journalistes musicaux et d’envoyer au poteau d’exécution les programmateurs de salles qui l’oublient. Une sorte de nouvelle révolution culturelle, presque.
Contrairement à ce qu’il annonce en ouverture dans le titre Le succès, ce n’est pas « encore un album pour que dalle ». Nécessaire par sa noirceur dérangeante, ce disque plombé (et non épilé) gratte et continue de le faire, même quand le dernier titre s’arrête (Partir nous invite alors à y revenir, en appuyant à nouveau sur la touche play de la platine).
bingO, le 05 février 2019.
[complément sonore : émission Rock à la Casbah#647 du 30/01/19]
Références :
Bruit Noir. II / III (LP). Ici, d’Ailleurs, 2018.
Mendelson. L’avenir est devant (LP). Lithium, 1997.
Pascal Bouaziz. Haïkus (LP). Ici, d’Ailleurs, 2016.
Iggy Pop. The idiot (LP). RCA, 1977.
Taxi Girl. Paris (45). Virgin, 1984.