12 mois, 12 albums

Les 12 commandements de 2018 // Par Laetitia Lacourt

Janvier – La dépression
Pour bien déprimer dans l’année, rien de tel qu’un bon mois de janvier froid et sans lumière. Morne et glacial. Les âmes sensibles le savent, la période post-réveillon pendant laquelle ont dégueulé cadeaux, illuminations et foie gavé de gras est propice au blues, pas besoin d’être chronobiologiste pour analyser le bordel. Vous voilà triste et sans entrain, avec pour seul horizon, un tunnel sans bout dans lequel traîne une petite corde. Mais pas question de mourir comme un crevard. Pour nourrir les idées noires, les faire gamberger la nuit, il vous faudra de la grandeur, de l’espérance, du beau dark, il vous faudra Marlon Williams. Les adorateurs d’Elvis un poil romantiques seront comblés et roucouleront des jours heureux, les autres creuseront leur tombe, parce que cet album, est, sinon très beau, très mélancolique voire suicidaire. Attention quand même Marlon, mon bichon, cet album me parait un poil moins racé que le précédent. Faudrait faire attention à ne pas trop s'égarer dans les élucubrations sentimentales. 
Pendant que j'y suis, je pense que c’est le moment idoine pour avouer que j’ai croisé Marlon Williams, genre seul à seule sur le trottoir, à Saint Malo, un soir de pleine lune, et qu’il m’a été insoutenable de soutenir son regard plus de 3 secondes (parler, n’en parlons pas). Cruche un jour… (à moins que ce ne soit cette foutue nouvelle coupe mulet qui ai tout foutu par terre !)
 
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a0616054986_16.jpg, by Laetitia

Marlon Williams - Make Way For Love - Dead Ocean
 

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Marlon Williams - Come to Me (Official Video), by Laetitia

Février – La dépression bis
Avouons-le, écouter le Velvet Underground file rarement la patate. Et pourtant, on adore. Clairement affiliés à la dynastie velvetienne, The Shifters, originaires de Melbourne, est la première bonne surprise de l’année qui vous rapproche inexorablement du Xanax. Violon grinçant comme mal accordé, basse venimeuse, guitare piquantes et voix maladive sur fond de mélodies ultra  lancinantes, l’album convoque tout le champs lexical des mots qui commencent par anx, comme anxieux, anxiogène ou anxiololytique, soit au total 97 mots de la même famille qui vous plongent au choix, dans les abîmes ou dans une très lente agonie. Cet album sorti sur Future Folklore est, selon moi, un vrai chef d’œuvre, dont "Colour me in" mérite l’écoute éternelle et quotidienne. A noter qu'entre temps les saligauds ont signé un nouvel album sur Trouble in mind qui mérite toute votre attention.
 
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a2193870622_16.jpg, by Laetitia

The Shifters - Future Folklore Records
 

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The Shifters - 'Work/Life, Gym Etc' [OFFICIAL VIDEO], by Laetitia

Mars – Le bout du tunnel
Fiat lux ! Les jours rallongent enfin et avec eux la promesse d’un certain renouveau. C’était pas trop tôt. Avec les bourgeons, voilà que débarquent de parfaits inconnus sous le nom tropical de Fiervilla. C’est chaud et sucré comme une gorgée d’Oasis de fin de goûter d’anniversaire, ça fleure bon les escapades sur la côte en décapotable, cheveux aux vents ultra indémêlables en bout de course. Fiervilla fout la pêche, vous fait tapoter des doigts sur le volant en attendant le feu vert, distille leur bonne humeur à grand renforts de rythm’n’blues garageux nourri de références 60’s. "Aces of Aces", "My Girl" ou encore "Mister Driver" sont d’une très rare efficacité. C’est le coup de foudre.

Fiervilla 
 

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FIERVILLA - Ace Of Aces, by Laetitia

Avril – L’amour
Et puis ça vous tombe dessus. Le titre façon ascenseur émotionnel. Celui qui vous rend dingue à chaque écoute même au bout de 400 fois. Aussi efficace que "Alright" de Supergrass, que "Camp out" des Bleeding Knees club, que "Gimme a beer" de Diamond Rugs, que "Bad Kids" des Black Lips ou que "Creature" des Tijuana Panthers, "Slit it" de Bops est un titre banane qui rend fou de joie, qui transforme un vieux croûton en teenage de 17 ans. Attitude d’ado attardé, pop nerveuse bubblegummée, mélodies entêtantes, riffs qui dépotent, utilisation parfaitement maîtrisée de la rupture ("Slit It", "Wrong", "M. Cubabalouder"), voix enjouées toujours en attente de muer : l'album des trois frangins de BOPS a le mérite d’aller droit au but. Et puis ils sont rennais, ça ne gâche rien.
 
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a3780759533_16.jpg, by Laetitia

Bops - Mauvaise Foi Records
 

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BOPS - Slit It, by Laetitia

Mai – La grâce
J’étais prête à casser ma tirelire et investir mes deniers personnels pour sortir cet album. Et puis ça ne s’est pas fait. Ca n’empêche pas Jaracanda Blue de bien porter bien son nom. Sublime et flamboyant comme cet arbre tropical qui fleurit en mai du côté de Los Angeles. Bleu comme ce rock blues garage, sexy et sombre, incarné par les deux gonzesses de Mr Airplane Man. Un combo légendaire, formé à Boston par Tara Mac Manus (batterie, chant et clavier) et Margaret Garrett (guitare et chant), et qui revient après plus de 10 ans de silence. Parfois hargneux, souvent râpeux, ce disque m’évoque une image : une course folle dans une Ford Thunderbird 1966 vert bouteille dont les pneus font voler les quelques milliers de particules d’un bitume poussiéreux. La scène se passerait quelque part en Californie, pas loin du désert, ni de l’océan, entre cactus et Jaracanda Blue. Oui voilà, un truc à la Thelma et Louise, mais qui finit mieux et avec Brad Pitt, cuvée 1991. Superbement produit par Robin Girod, cet album - a le son pour et le don de - boucler le clapet de toutes les grandes gueules. Mention spéciale pour "Where I Belong" dont j’aime plus que tout le passage beau à chialer entre la 2’27 et la 2’45.
 
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a2122389182_16.jpg, by Laetitia

Mr Aiplane Man - Jaracanda Blue - Beast Records
 

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Mr. Airplane Man - Where I Belong, by Laetitia

Juin – L’évidence
Il est fait pour moi. Sa musique est faite pour moi. Échappé de Shannon & The Clams, le californien Will Sprott la joue aussi solo depuis 2015 dans un style mêlant rock, folk, surf et garage. Il suffira d’un titre pour que je me tape les deux albums entiers, en boucle, dans une évidence déconcertante. Le premier, "Vortex Mumbers" (Hairdo Records), est un petit bijou avec pochette signée Shana Cleveland (La Luz). On y retrouve l’essence même de la scène californienne, celle qui nous enflamme avec ses mélodies parfaites pour glandouiller dans un van tout en flirtant avec un surfer aux cheveux longs habillé d’une chemise de mécano vintage (oui, c’est un fantasme). On y retrouve une voix mélancolique et nonchalante façon Brooks Nielsen des Growlers mêlée à l’univers sucré et doo-wop des palourdes citées plus haut (gros crush pour "Psychic Lady", complètement addictive). Septembre 2017, c’est au tour de "Ten Fingers" de sortir, cette fois-ci sur Burger Records. Il suffit de dérouler le casting de chaque piste pour découvrir que le type ne s’entoure que des meilleurs pour évoquer une période de sa vie sur la côte ouest via Oakland, Seattle, Portland et Los Angeles. "My name", "My mind", "the Law", "Alien eye" : on retrouve dans ces 10 titres un poil plus pêchus, la belle voix de La Luz et le doigté efficace de Cody Blanchard. Parfait pour attaquer l’été.
 
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a0069545568_16.jpg, by Laetitia

Will Sprott - Hairdo records - Burger Records

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Will Sprott - A Dog Will Love You When Nobody Else Will, by Laetitia

Juillet – La force tranquille 
On quitte la Californie pour la Louisiane baby. La compilation Cajun Stomps, volume 1, rassemble ce qui s’est fait de mieux dans le bayou. Cyprès couverts de mousse, alligators qui paressent dans des bras d’eau : le décor qu’évoque chaque titre convoque de multiples clichés comme celui de couler des jours heureux près du Mississipi ou de s’enfiler un gumbo avec la descendance de Jay Stutes. En pleine canicule, ça accompagne idéalement une averse tropicale et la moiteur d’un été qui s’avèrera bien trop long.
 
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br257_cajun-stomp-vol1_w.jpg, by Laetitia

Cajun Stomps - Beast Records
 

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Jay Stutes - Coming Home, by Laetitia

Août – La folie
Découverts quelques mois plus tôt grâce à un EP, Swutscher confirme avec l'album "Wilde Deutsche Prärie" leur talent pour la country lo-fi et le garage hippie-western. Sextet pété du caisson, le groupe crachote dans la langue de Goethe des mélodies nonchalantes et accrocheuses qui me rappellent l’âge d’or des Growlers, y’a 100 ans (écoutez "Karussell"). L’album s’enfile aussi facilement qu’une Bratwurst, entre titres chaloupés et ritournelles ensorcelantes. Clairement pas le genre de types à qui on filerait le bon dieu sans confessions, ou à booker dans le même hôtel que la Fat White Family. La voix est possédée ("Faxen Dicke"), vicelarde ("Burnout Boogie"), déraillée et triste ("Kalt") mais terriblement attachante. Sorti en mai sur le label hambourgeois la Pochette Surprise Records, ce premier album est une vraie réussite qu’on s’impatiente de voir jouer sur scène en France.
 
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a0964299434_16.jpg, by Laetitia

Swutscher - Wilde Deutsche PrärieLa Pochette Surprise records
 

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Swutscher - Karussell, by Laetitia

Septembre  - Back to school et embrouilles
LA CLAQUE avec Les Lullies. Avouons que ça fait du bien de s’en prendre une petite de temps à temps, en plein désert musical. Cette fois-ci le gros coup de latte vient de Montpellier. L’album botte clairement le cul de tous ceux qui ont pu croire ou qui ont cru faire du garage punk à la sauce 77, un jour après 77. C’est tellement bien fait que c’est signé chez Slovenly Recordings. C’est primitif et sanguin, le tout livré le pied au plancher façon Ramones (mention spéciale pour "Meet the man" qui tourne en boucle depuis 2 mois). Même leur nom est parfait, évocateur et contradictoire, provocateur et mélodieux. Et puis ils ont tellement la gueule de l’emploi qu’on les croirait sortis du CBGB. Un disque destiné aux « gourmandiseurs raffinés ».
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a2496181738_10.jpg, by Laetitia

Les Lullies - Slovenly Recordings
 

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LES LULLIES "Night Club" Official Music Video, by Laetitia

Octobre  - L'été indien
"On ira où tu voudras quand tu voudras...". Avec Leopardo, on a envie d'aller partout. Beaucoup de love et d'envies de carapater dans la nature à l'écoute de cet album, intitulé "Di Caprio". Quand on s'appelle Leopardo, évidemment, ça fait sourire en coin. On redoute même que tout ça soit un poil trop potache. Et puis, 3 titres suffiront pour fondre comme un iceberg titanesque au soleil. A la première écoute, impossible de ne pas penser à tous ces solitaires nonchalants tels que Kurt Vile ou Kevin Morby dont les déambulations très inspirées accompagnent parfaitement les nôtres. Impossible de ne pas penser non plus au Velvet Underground mais surtout aux Country Teasers qui transpirent du premier au 13ème titre. Là où certains vont droit au but ou balance la purée le pied au plancher, Leopardo incise et tape dans le 1000 en alliant un garage trash lo-fi à des ballades atmosphériques qui transforment l'âme en grande voyageuse. Une chose est sûre, la très aérienne "Sweet Mountain" sera bien du prochain voyage.  
 
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a3527132548_10.jpg, by Laetitia


Leopardo - Di CaprioMontagne Sacrée Records
 

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Leopardo - Sweet Mountain, by Laetitia

Novembre - La bave aux lèvres
Putain putain putain. Happy Birthday Jesus et merci de m’avoir envoyé cet ultime cadeau avec 1 mois et demi d’avance. « Honey » était LE titre, la friandise attendue pour me faire patienter tranquillement jusqu’en 2019, et même envisager secrètement de partir à Sydney rencontrer ces types qui dégoulinent vocalement tous ces « Darling » et ces « shalalala » et « hou wouuuu » pleins de trémolo(ve) dans les cordes. Composé du guitariste et chanteur Michael Van Dyk, du bassiste Jack McPhee, du batteur Riley Pierce et du guitariste Liam Wilson, Hot Work remue le fessier des fans des 50's et 60's en mélangeant blues, surf-pop, doo-wop et rock old school. A en croire le visuel de l'EP, ils pourraient avoir ce don de repasser leurs chemises eux-mêmes. A ce stade, béate de compassion et d’admiration, je suis prête à me taper tous les cols blancs du groupe en échange d’un album entier. 
 
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a3328745607_10.jpg, by Laetitia

 Hot Work - Clean Living EP 
 

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Hot Work - Honey, by Laetitia

Décembre - Les boules et l'excitation
Les boules que l'année soit passée si vite et de ne pas avoir eu le temps de mettre des mots sur tant d'efforts, d'albums et de titres qui ont vraiment accroché les oreilles. On citera parmi eux "Onion" de Shannon & The Clams, le p'tit second de The Molochs, Flowers in the Spring, le coolissime TH da Freak, et le nouvel album ("Mourning Waltz") des 39th & The Nortons dont j'aime particulièrement le "I Realise". Mais on se réjouit, on s'impatiente, on trépigne comme un gosse à 20h02 le 24 décembre quand on sait qu'avec de sérieuses mises en bouche comme The Parrots, Les Marinellis, The Mystery Lights sorties ces derniers mois, l'année 2019 s'annonce sous les meilleurs auspices. Et puis avec un peu de chance, p'tet que Ty Segall et les King Gizzard sortiront chacun 3 nouveaux albums que je peinerai à différencier de tous les précédents.