10 000 Russos

Distress Distress (Fuzz Club) // par Nicolas Gougnot
Tiens, j’ai fait en découvrant les nouveaux arrivages, 10 000 Russos, ça devrait  être marrant. Déjà qu’un demi, c’est beaucoup, alors 10 000 d’un coup... Forcément, face à au moins dix-sept albums à découvrir, il faut bien déterminer par lequel commencer. C’est vachement subjectif, un choix. Arbitraire, comme qui dirait. On fait comme on peut. Alors va pour 10 000 Russos et leurs six titres de pure poilade présumée, ou au moins de musique récréative et rafraîchissante.

Contre toute attente, on ne se retrouve pas dans une atmosphère de fils d’Aphrodite, mais d’usineurs lusitaniens, tendance krautocosmico-répétitive que n’aurait pas reniée Föllakzoid. Il y a pire comme référence. Korg et basse ronflante, groove rigide hergestellt in Düsseldorf. Pas très rigolo, tout ça, mais bien foutu. Avec 7 minutes 30 au compteur, on en a pour notre argent.

OK, au suivant. Rythmique martiale et pas très organique. Ah, tiens, du chant. Des Portugais qui chantent en anglais avec un accent allemand. En tout cas, c’est l’impression que ça donne. Ça veut dire quoi, Tutilitarian ? « Totalitaire », si ça se trouve.  Annihilation de la joie de vivre et de l’individu en tant qu’entité autonome. Bien vu.

On attend la suite avec une légère appréhension. L’auditeur goguenard  ne s’attendait pas à un rendu aussi livide, mais il est conquis du premier coup et espère que l’ensemble va se maintenir à un pareil niveau d’excellence dans le genre.  Grosse rythmique, encore. Voix cosmique éthérée. Pas de mélodie, simplement des nappes pour une ambiance lourde.  On empile les couches de fuzz reverbée et ça monte, ça monte, ça monte. Cocotte-minute qui finit par monter en pression. Europa kaput. Tu m’étonnes. C’est trop cuit.

La suite du disque fait preuve d’une homogénéité stylistique. Autobahn déroulant sa bande d’asphalte à travers la Mitteleuropa. On cherche vainement une respiration. On inspire un grand coup entre chaque plage, et on replonge dans les eaux sombres et menaçantes peuplées d’une faune  abyssale à la consistance gluante.

Le disque se termine sur le titre éponyme, Klaus Schulze aux commandes d’une charge de Panzers qui nous envahissent l’espace vital, moteurs diesel ronronnant de vibrations métronomiques, basse énorme, ultra répétitive, et pilonnage en règle. Détresse détresse, c’est peu que de le dire.

Un disque d’excellente facture, poisseux au possible. Mais j’ai toujours pas compris la blague sur Demis Roussos.