▼▲▼ Le Turc Mecanique Festival ▼▲▼

Live report // Par Anton Schaefer
▼▲▼ Le Turc Mecanique Festival ▼▲▼ | La Station - Gare des Mines – Paris | 2 au 4 septembre 2016

Abordons la chose tout de suite, et ce pour éviter toute ambiguïté : ne cherchez pas une once d’objectivité dans ce live report, vous n’en trouverez pas. Faisant moi même partie d’un groupe (Hystérie) ayant été programmé pendant ce festival, tout ce papier ne sera donc que subjectivité et parti pris. De toute manière, je n’ai jamais bien compris le concept d’objectivité lorsque l’on parle de musique…

Ceci étant évacué d’emblée : du vendredi 2 au dimanche 4 septembre dernier se tenait à La Station le festival du Turc Mécanique. La Station - Gare Des Mines, rattachée au Collectif MU, est un lieu culturel consacré aux scènes artistiques émergentes. Fondée sur les vestiges d’une gare à charbon désaffectée à la lisière du périph’, elle a accueilli depuis mai dernier des artistes aussi soufflants que Ventre De Biche, Headwar, Scorpion Violente et Cockpit.... 

A l’affiche de ce festival, les groupes ayant tout tué ces derniers mois (Strasbourg, Teledetente 666, Delacave, Jardin...), ainsi que ceux qui vont le faire très prochainement (Mary Bell, Monsieur Crane, Empereur, …). Et durant le festival, chaque groupe / artiste a mis un point d’honneur à donner à voir et à entendre le meilleur. Je retiendrai l’énorme claque que j’ai reçu en voyant Our Fortress : formation au sein de laquelle Jardin et Christelle improvisent une techno hypnotique et bruitiste, terrassant le public de la plus belle des manières. Également, les deux gars de Teledetente 666 qui ont mis la branlée au public présent. Portés par une réputation de tout défoncer en live, ces mecs n’ont fait que confirmer les rumeurs avec un set tendu, et une chanson, “Panne Sexe”, qui restera un des temps forts de la soirée. Ou encore Strasbourg, qui ont prouvé dans la soirée du samedi qu’ils restent indéniablement les meilleurs, avec un super set, le dernier avant de présenter au public leurs prochaines chansons. Mention spéciale à Mary Bell, dont l’excellent album s’apprête à sortir chez Le Turc Mécanique et Danger Records, et qui ont cassé des bouches pendant leur prestation avec une puissance de frappe incontestée.

Au fil du festival, on a pu notamment croiser au milieu de la foule le très courtisé Usé (toujours entouré de meufs), Jessica93, Froos de Teenage Menopause, Alto Clark, GodzillaOverkill, et les gars de Mon Cul Est Une Autoroute Du Soleil… Pour clôturer en apothéose la journée du dimanche : Maison Acid (a.k.a. LLcoolJo et Louise), accompagnés d’un MC Jean Gabber aussi hystérique que brillant, hurlant à la foule de danser. Ce fût l’occasion de danser sur le gratin du gabber FR : Dominique Fallujah, Parfaing GTI ou encore Malek Booty Shake. Tout ça avant de faire un after de guerre dans les locaux de La Station, avec DJ Pute Acier en DJ set.

Ce fût l’occasion rêvée de réunir quasiment toute la famille LTM (manquait Balladur, Sida et 69) dans une ambiance de colonie de vacances, dont il fut bien difficile de s’extirper le lundi matin. L’accueil par l’équipe de La Station fut juste parfait. Et c’est sous une pluie battante que nous avons regagné avec les potes d’Hystérie la gare du Nord, direction Orly pour rejoindre Toulouse. Tout était triste : la grisaille, les gens, les chicken dips au Quick… Rien ne nous a consolé à ce moment là de fermer la parenthèse d’un week-end si stimulant. Ce festival venait de prouver que les réelles initiales pour Le Turc Mécanique ne sont pas LTM mais QLF.

Alors, pour ce report, je ne m’attarde pas à décrire méthodiquement tous les lives du week-end. Il y a la possibilité de traiter tout cela de manière globale. Car, tous ces groupes ont le même ADN, sont porteurs d’une même énergie, et dépeignent au mieux ce qui nous accable tous, le malaise contemporain. Et sont surtout l’opposition fière à la mollesse ambiante du paysage musical français.

Comme le dit lui-même Charles, Le Turc Mécanique s’est dressé au départ contre les apparatchicks de la musique dite “indie”, les mêmes qui n’ont jamais fini de chouiner après la crise des années 2000. Si bien qu’aujourd’hui, de nombreux labels sont en train de faire un hold-up dans le paysage français, tels Teenage Menopause et Howlin Banana, pour ne citer qu’eux. Et le public a répondu présent pour ce festival, même le dimanche alors que quelques gouttes commençaient à tomber en début d’après midi. 

Pendant que Les Inrocks proclament La Femme comme étant “l’avenir du rock”, et que d’autres se paluchent sur Grand Blanc (ces pauvres damnées sont déjà en enfer sans même le savoir), des labels ont fait le choix de la radicalité et du clivage. Mais ils n’ont reçu que le mépris et l’indifférence. Il y a en France un refus concerté de ne jamais chercher du neuf. Alors que notre société se convainc qu’elle est pluraliste, elle n’a en fait jamais été aussi uniforme et suffocante. La musique en France ressemble à ça : sortir toujours les mêmes marionnettes pour un énième spectacle de Guignol, en fuyant la moindre prise de risque. 

Heureusement que des gars disent merde au calcul, au plan marketing, à la budgétisation, à la course indécente aux clics… Les “petits” deviennent aujourd’hui les principaux vecteurs de la musique excitante d’aujourd’hui, et piétinent le cadavre encore chaud de l’industrie de la musique. C’est un monde qui meurt sous nos yeux, le monde des journaux qui proclament que l’avenir est en vente libre, le monde de ceux qui vont dans le même sens que les publicitaires. Face à la dictature du cool, il fallait bien quelques freaks pour montrer à quel point l’époque dans laquelle on vit est merdique. 

Alors, il a bien raison le Charlot de faire ce qu’il fait: “le respect ne se demande pas, il se prend”. Et avec ce festival, il a donné à tous les groupes présents les moyens de venir l’arracher avec les dents, le respect ; loin des subventionnés et des cooptés. Ce week-end là, je n’ai vu qu’une famille, un gang, des meufs et des mecs avec des valeurs et des convictions. Et les convictions, c’est à ça qu’on voit ce qu’une personne a dans le ventre, même si elle se fait Hara-Kiri.