Interview avec Arie VAN VLIET, chanteur de LEWSBERG, quelques instants avant que son groupe monte sur la scène du Sonic (Lyon) pour livrer un set réjouissant.
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Le concert d'une heure de LEWSBERG au Sonic en juin 2022, aussi dynamique que gracieux, a fini de nous convaincre que le quartet hollandais est un des groupes les plus précieux du moment. Quelques instants auparavant, Arie VAN VLIET, le chanteur/guitariste/violoniste du groupe nous a invité dans les loges de la péniche lyonnaise pour discuter avec nous, et tenter de faire entendre sa voix face au barouf du sound-check de la première partie, ROSSE CARBONE. Ses réponses perspicaces à nos questions nous en disent plus sur le fonctionnement d'un groupe qui agit comme bon lui semble et toujours à son propre rythme.
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"On a fini par choisir l'anglais parce que
je me sens trop à l'aise avec ma propre langue"
Salut Arie, merci pour cette interview. Peux-tu nous dire comment LEWSBERG a débuté ?
Michiel [KLEIN], le guitariste, et moi avons commencé le groupe il y a six ans. On parlait beaucoup de musique et de littérature ensemble. Comme on était déjà impliqués dans d'autres projets musicaux, on a décidé d'unir nos forces. J'avais pas mal de chansons que je n'aimais pas, je n'étais pas vraiment satisfait de ce que j'en avais fait. Michiel les a complètement retournées et en a fait des nouveaux morceaux. Une fois qu'on en a eu plusieurs, on a demandé à Shalita [DIETRICH] de nous rejoindre à la basse, puis Joris [FROWEIN] est arrivé à la batterie. Il a quitté le groupe pendant qu'on enregistrait notre premier album, on a donc pris un nouveau batteur, Dico [KRUIJSSE], qui est lui aussi parti l'an dernier. On a continué en trio pendant quelques temps avant que Marrit MEINEMA nous rejoigne.
Il y a-t-il une formation que tu préfères entre le trio et le quatuor ?
Je pense que le quatuor que nous formons maintenant est ma formation préférée, surtout parce que la batterie n'est composée que d'un tom basse et d'une caisse claire. C'est quelque chose que j'avais toujours envisagé pour le groupe sans que ça ne se fasse. On a toujours eu des batteurs avec une batterie complète. On a subitement décidé de tenter le coup et, pour moi, ça colle parfaitement avec ce qu'on fait.
Votre nom est une variation de celui du célèbre écrivain hollandais Robert LOESBERG...
Il n'est pas très connu !
C'est vrai qu'il n'a jamais été traduit dans d'autres langues. Est-ce que c'était important pour vous d'avoir un nom en lien avec les Pays-Bas ?
On n'était pas forcément très fans, mais je lisais son premier roman juste avant qu'on lance le groupe. Notre nom ne vient pas uniquement de l'écrivain : c'est l'orthographe qu'il comptait utiliser une fois qu'il serait traduit. Mais ça n'est jamais arrivé. C'est une histoire un peu triste, on s'est donc dit qu'on allait adopter ce nom... C'est une référence à cette histoire triste, mais c'est peut être aussi une façon d'amener plus de gens à lire ses livres. Il finira peut-être par être traduit en anglais un jour.
Puisqu'on parle de ça, tu as déjà essayé d'écrire en hollandais ?
Oui, en effet. J'ai essayé. On a beaucoup discuté au début du groupe pour savoir si j'allais écrire des chansons en hollandais ou en anglais. On a fini par choisir l'anglais parce que je me sens trop à l'aise avec ma propre langue. C'est un peu trop familier pour moi et j'aime avoir les contraintes liées au fait de ne pas chanter dans ta propre langue.
Tu te sens plus en danger avec l'anglais ?
Oui, un peu, en effet. J'en ai besoin. J'ai aussi le sentiment que je suis plus direct dans ce que j'exprime, parce que c'est comme ça que ça se passe quand tu parles une langue qui n'est pas la tienne. Ça me plait beaucoup, ainsi que la distance que ça te donne par rapport à ton sujet. Tous ces facteurs ont fait qu'on a décidé d'avoir des morceaux en anglais.
"Tu connais le gabber ?"
J'écoute beaucoup de musique mais je ne serais capable de te citer qu'un autre groupe hollandais actuel. Comment expliques-tu le fait que votre musique a réussi à dépasser les frontières ?
Quel autre groupe connais-tu ?
CANSHAKER PI. Je les avais d'ailleurs découverts ici, sur la scène du Sonic.
Ah, chouette ! Je pense qu'il y a quand même quelques groupes hollandais qui ont réussi à s'exporter [The NITS ou The EX, notamment, NDLR]. Je ne saurais te dire comment on y est parvenu, parce que nous n'avons pas de label, on sort tout nous-même et nous ne sommes pas présents sur les réseaux sociaux. D'un point de vue promotionnel, notre groupe devrait être condamné à rester confiné sur Rotterdam. Mais je pense qu'il y a aussi un monde en dehors de celui des labels, de l'industrie de la musique et des réseaux sociaux. Je pense que notre musique s'est répandue comme une rumeur dans cet autre monde qui n'a pas besoin de toutes ces chaînes promotionnelles. Je pense que c'est ainsi que nous avons trouvé notre voie et on ne brusque pas les choses, on évolue à notre propre rythme.
Est-ce que Rotterdam joue un rôle dans la façon dont vous jouez de la musique ?
Oui, je pense que Rotterdam était une ville à la fois très pure et difficile et il me semble que tu peux l'entendre dans notre musique d'une certaine façon. Je ne sais pas si tu connais le gabber ?
Non, je n'en ai jamais entendu parler.
C'est de la musique électronique très minimaliste, centrée sur les beats, qui est née à Rotterdam. Ça me paraît assez logique que ça vienne de là, parce que c'est tout aussi minimaliste et pur. Ce sont deux choses vraiment typiques de cette ville selon moi. Mais Rotterdam a beaucoup changé ces derniers temps, la gentrification fait que la ville devient plus belle et plus propre qu'avant. L'ancien Rotterdam me manque, surtout parce que cette ville était ouverte à tout le monde. Chacun était le bienvenu, mais maintenant il semble que ce ne soit plus le cas que pour les gens riches et éduqués.
C'est le cas dans beaucoup de grandes villes.
Oui, je suis d'accord, mais ça me manque beaucoup à Rotterdam car ça n'était pas comme ça il y a cinq-dix ans. Tout s'est mis à changer très rapidement.
Ça pourrait te pousser à t'installer ailleurs ?
Je ne pense pas, déjà parce que je ne saurais pas où aller, et comme tu l'as dit, toutes les villes rencontrent le même problème.
"Je suis dans une phase free jazz en ce moment"
Les médias font souvent référence aux mêmes groupes pour évoquer votre musique, notamment le VELVET UNDERGROUND, TELEVISION et GALAXIE 500. Es-tu d'accord avec ces comparaisons ?
Je ne suis pas d'accord avec le fait que les gens doivent toujours évoquer d'autres groupes pour en définir un. C'est quelque chose qui me déplait en général, mais quand ils le font, je peux comprendre qu'ils citent ces groupes. À vrai dire, je n'ai jamais vraiment écouté TELEVISION. Il y a d'autres groupes auxquels les gens nous comparent que je n'ai jamais écoutés. Mais j'écoute énormément GALAXIE 500, donc cette référence est pertinente. Mais je pense qu'il devrait être possible de parler de groupes et de musique sans faire référence à ce qui a déjà été fait dans le passé.
Ce qui me surprend le plus, c'est que ces comparaisons se font le plus souvent avec des groupes qui ne sont plus en activité. Je ne trouve pas votre musique particulièrement datée pourtant !
Non. Je peux comprendre qu'on fasse référence à des groupes un peu plus vieux parce qu'il n'y a pas beaucoup de groupes récents qui font la même chose que nous. Ils se disent que peut-être, je ne sais pas si la nostalgie est le mot qui convient, mais je pense que certaines personnes ressentent cette espèce de nostalgie en nous écoutant. Mais ça n'est absolument pas le cas pour moi. Il s'agit de la musique que je veux jouer maintenant, sans avoir à penser au passé.
Quels groupes écoutes-tu en ce moment ?
Hum, c'est une bonne question. J'écoute énormément de musique et je suis dans une phase free jazz en ce moment. Mais j'essaye de penser à un groupe actuel. Il y a ce groupe britannique qui s'appelle NAPE NECK, je peux te noter leur nom si tu veux. Je les ai vus jouer à Rotterdam il y a quelques mois et c'était le meilleur concert que j'ai vu cette année ! C'était très inspirant.
Comment vous êtes-vous retrouvés à collaborer avec Mikey YOUNG (EDDIE CURRENT SUPPRESSION RING) qui a réalisé le mastering de vos disques ?
On lui a juste envoyé un courriel et il nous a répondu. Mike est facilement approchable en fait. Je me suis rendu compte que j'avais beaucoup de disques à la maison qui étaient mixés ou masterisés par lui en lisant les liner notes. On a donc décidé de lui envoyer ce message et il nous a demandé de lui envoyer nos morceaux. C'était assez simple. Mais le premier master qu'il nous a envoyé ne nous a pas convenu parce qu'il sonnait trop bien. On lui a alors expliqué qu'on voulait plutôt que ça sonne comme une démo bien enregistrée. Il a compris ce qu'on recherchait et s'est remis au boulot avec succès. Collaborer avec lui a été une belle expérience.
J'allais justement y venir. Vous semblez assez fiers de ne pas être des musiciens très doués...
Je n'irais pas jusqu'à dire qu'on est fiers d'être mauvais, mais ça n'est pas une chose à laquelle nous accordons de l'importance. Je pense que ça ne fait rien si on n'est pas des bons musiciens. Je connais beaucoup de bons musiciens qui font de la musique de façon très ennuyeuse et il y a aussi beaucoup de mauvais musiciens qui jouent des super morceaux. C'est parfois accidentel, mais ça peut aussi être fait exprès. Ce qui me chagrine le plus dans le fait de jouer dans un groupe est que tu finis par devenir meilleur et donc que tu commences à perdre de la spontanéité dans ta façon de jouer. C'est quelque chose d'inévitable, puisque tu ne peux que t'améliorer en tant que musicien. Il faut arriver à traduire ça d'une façon ou d'une autre dans ta musique. C'est compliqué de ne pas trop bien jouer quand tu deviens meilleur. Il faut trouver un moyen pour que ça fonctionne. Et je pense qu'on y parvient, même si je ne sais pas toujours comment m'y prendre.
Tu as également répondu à ma question suivante, je passe donc à celle-ci : j'ai le sentiment qu'il y a un contraste très marqué entre votre musique, qu'on peut souvent considérer comme fragile, et tes textes et ton chant, qui semblent plus détachés. Est-ce intentionnel ?
Oui, complètement. J'aime les contrastes. Pendant cette tournée, j'ai lu un livre de James BALDWIN où il explique que la plupart des gens n'arrivent pas à comprendre des choses qui ne sont pas basées sur une émotion unique. Quand tu as une chanson joyeuse, la plupart des gens se contente de ce côté joyeux, même chose avec une chanson triste. BALDWIN écrit que c'est bien plus beau quand une chanson joyeuse ne se résume pas qu'à ça, en incorporant quelques nuances de tristesse. C'est ce qu'on essaye de créer avec les paroles et la musique. Je ne peux évidemment pas parler pour les autres, mais, dans ma tête, quand on écrit une chanson un peu joyeuse, il faut une touche un peu plus triste dans les paroles. Quand on écrit une chanson fragile ou émotionnelle, j'essaye de garder mes distances par rapport au sujet et j'écris de façon assez clinique, sans émettre aucune forme de jugement. J'essaye de jouer avec ces contrastes, c'est vrai.
Tu viens à nouveau de répondre en partie à la question qui suit. Comme tu viens de le dire, tes paroles sont souvent très descriptives, est-ce une façon d'éviter les sentiments et les émotions ?
Oui. Les émotions ne me font pas vraiment peur, mais je pense que la plupart des chansons et des paroles se basent là-dessus. Je trouve aussi que quand les paroles sont émotionnelles, il arrive très souvent que ces émotions prennent trop de place. Pour moi, elles sont moins intéressantes parce que je préfère des émotions plus modestes, que tu peux garder juste pour toi. Il peut m'arriver d'écrire sur des émotions, mais comme tu l'as dit, je suis plus descriptif, c'est une façon de rendre l'écriture plus accessible.
Tu sembles plus intéressé par les choses banales du quotidien ?
Oui, c'est vrai. Mais je pense que ces choses banales contiennent déjà pas mal d'émotions. Comme quand quelqu'un se promène dans la rue et que tu regardes cette personne, il y a déjà beaucoup d'émotions dans ce genre de scène. Je pense que tu n'as pas forcément besoin d'en dire plus. Pour moi, il y en a suffisamment assez, je n'ai pas besoin d'en ajouter d'autres. C'est ce que je tente d'exprimer quand j'écris ces chansons descriptives. Ça permet aussi de laisser suffisamment de place à l'auditeur pour qu'il puisse y mettre ce qu'il veut.
"J'aime quand les gens arrivent à écouter notre musique,
mais je ne suis pas prêt à tout pour y parvenir"
J'ai une affection particulière pour la chanson The door, qui démarre très doucement avant d'être tirée de ses rêveries par une terrible décharge électrique. C'est quelque chose que vous aviez prévu, ou bien vous arrive-t-il d'avoir des accidents heureux en studio ?
Ça peut nous arriver, mais en ce qui concerne The door, c'était quelque chose qu'on avait prévu. On s'est dit que ça serait chouette d'avoir un morceau noisy très calme. Ça collait plutôt bien avec la chanson et ça allait aussi avec les paroles. C'était donc intentionnel. Mais il y a aussi des chansons comme Left turn, par exemple, qui est notre morceau désaccordé, qui arrivent de façon accidentelle. La guitare était complètement désaccordée quand on l'a enregistrée en studio et on s'est dit « On va continuer à jouer et l'enregistrer de cette façon ». À l'époque, on tournait avec un ingé-son et on ne lui avait pas dit que le morceau était désormais joué dans sa version désaccordée. La première fois qu'on l'a joué, c'était à un festival en Belgique. Les guitares étaient désaccordées et, même s'il se trouvait à vingt mètres de la scène, j'ai pu lire la peur dans ses yeux, il se disait que quelque chose n'allait pas du tout. C'était un super moment.
Je ne vous ai encore jamais vus sur scène, dois-je m'attendre à ce que les morceaux sonnent différemment sur scène ?
Je dirais qu'on reste plutôt fidèles aux disques. Mais ça dépend aussi de la situation. Parfois, il se peut que tu aies besoin de jouer avec plus de force, alors on va monter le volume, mais il peut aussi arriver qu'on fasse un set plus simple, plus calme. Je pense que tout cela a plus à voir avec la façon dont nous construisons le set plutôt que dans notre façon de le jouer.
Comment ça se passe pour le choix des morceaux ? Vous faites en fonction de l'endroit où vous jouez et de ce que vous ressentez sur le moment ?
Oui, il y a un peu de ça. On prépare un set de base avant chaque tournée. On a donc une set list pour cette tournée, qui a plutôt bien fonctionné. Pour les trois premiers soirs, on a donc joué le même set. Mais, le soir suivant, on s'est dit qu'on allait quand même modifier quelque chose. On a donc inversé l'ordre de quelques morceaux. On n'a pas joué le dernier titre non plus, parce qu'on trouvait que ça ne collait pas avec la soirée. Pour tout te dire, j'ai écrit la set list d'hier soir et, juste avant qu'on démarre le concert, on s'est dit qu'il fallait qu'on la change à nouveau. Michiel a alors écrit une nouvelle set list en faisant des copié-collés avec une vieille liste. Tu pouvais donc physiquement voir comment on changeait les choses.
Ça doit rendre les choses plus intéressantes pour vous ?
Oui, oui. Il peut parfois être un peu barbant de toujours jouer les mêmes chansons, concert après concert. En ce qui me concerne, si on joue les mêmes morceaux, mais en les changeant de place, cela suffit pour que cela apporte de la nouveauté.
Y a-t-il une chanson de LEWSBERG que tu préfères jouer sur scène par rapport aux autres ?
[Longue pause...] C'est une bonne question. Ces derniers temps, j'aime beaucoup jouer Dependency, parce qu'elle est très calme et fragile. Je ne sais pas comment le public la reçoit, mais je trouve qu'elle apporte une certaine forme de tension. Ça me plait beaucoup, et j'aime toujours chanter Sweets également.
Découvres-tu des nouveaux aspects aux morceaux quand vous les jouez sur scène ?
Je pense que c'est surtout dans la façon dont je prononce les paroles ou la façon dont je les accentue. Parfois, je m'aperçois que j'apporte quelques changements subtils, même si je ne m'en rends compte qu'après l'avoir fait quatre ou cinq fois. Quand j'en suis conscient j'essaye de jouer dessus un peu plus. Je peux m'amuser un peu avec les phrases et les mots, mais beaucoup moins avec les paroles.
Mon morceau favori de LEWSBERG est Vicar's cross pt. 1 sur l'EP The downer. Penses-tu que certains de vos morceaux « obscurs » ne mériteraient pas une chance d'attirer plus d'auditeurs ?
C'est toujours une question très intéressante : quel type de public et de quelle taille souhaites-tu pour ta musique ? Et, à la fois, ce n'est pas une question si importante que ça. Certaines personnes ne font de la musique que pour elles-mêmes. D'autres en font pour atteindre le plus grand nombre possible de gens, et je pense me trouver à mi-chemin. J'aime quand les gens arrivent à écouter notre musique, mais je ne suis pas prêt à tout pour y parvenir. Je trouve ça chouette d'avoir des morceaux que seulement quelques personnes connaissent. Certains passent beaucoup de temps à découvrir de la musique, ils y consacrent beaucoup d'efforts. Et peut-être que découvrir des chansons qui ne sont pas populaires, mais qui pourraient devenir leurs chansons favorites, est leur récompense.
Tu disais tout à l'heure que vous sortez tous vos disques vous-mêmes. C'est parce que vous voulez garder un contrôle total sur votre musique ?
Oui, exactement.
Ça doit vous demander beaucoup de travail !
Oui, c'est le cas. Surtout quand on arrive au moment où on s'apprête à sortir un album, ça devient vraiment un job à plein temps. Ça nous demande beaucoup de temps, mais c'est agréable de tout décider par nous-même, comme l'enregistrement, trouver le studio par nos propres moyens. Et on peut ensuite décider de faire le mix avec l'ingé-son du studio ou bien le faire tout seul. Personne ne peut nous dicter ce qu'on a à faire. On peut choisir l'usine de pressage avec qui on veut faire le disque. Il se trouve que se passer d'un label permet aussi d'accélérer le processus. Quand tu es signé sur un label, il faut que tu attendes un an après avoir terminé ton disque pour le voir sortir. Avec notre dernier album [In your hands], on l'a terminé en septembre et sorti dès octobre. On n'avait pas encore le vinyl, évidemment, mais on avait des CDs et des K7s. Le vinyl n'est arrivé qu'en mars. On n'a pas sorti de single avant, on a juste sorti tout le disque. C'est le genre de choses qu'un label refuserait qu'on fasse. Mais pourquoi ne pas le faire ? Nous sommes notre propre boss, on peut donc choisir. Ce que j'apprécie aussi dans le fait de tout sortir nous-mêmes, c'est qu'on est plus en contact avec les gens. Si quelqu'un de la presse ou des médias veut nous parler, il peut nous contacter directement, comme tu l'as fait pour mettre en place cette interview. On vend beaucoup d'albums dans les magasins de disques, mais on en vend aussi grâce à notre page Bandcamp, donc on les expédie nous-même. C'est génial d'être en contact avec des personnes aux quatre coins du monde. J'ai rencontré plein de fans de musique grâce à notre groupe. C'est moi qui me charge de répondre à tous les messages qu'on reçoit. Par exemple, après la sortie de notre premier album, on a reçu un courriel de quelqu'un aux États-Unis qui nous a dit « J'aime beaucoup votre musique ». C'était il y a quatre ans et on est toujours en contact. On ne parle pas que de musique, mais aussi de tout ce qui se passe dans le monde. Ce genre de chose n'arriverait pas si on était sur un label. J'apprécie aussi le fait que tout ce qui nous arrive est dû à notre musique, pas parce qu'on a un label derrière pour la vendre.
Tu dois être célèbre à la poste !
Oui, je le suis ! Surtout quand on a sorti le dernier album en annonçant les précommandes en septembre et qu'il est arrivé en mars. Entre temps, on a reçu pas mal de commandes, j'ai donc dû tout charger dans ma voiture et aller à la poste, ça fait pas mal de boulot. J'aime bien aller à la poste. J'aime bien emballer nos disques. En prendre soin, et faire un paquet potable qui arrive sans être abimé en route.
Si je ne dis pas de bêtises, vous gérez également toutes les pochettes ?
Oui, ça aussi nous prend beaucoup de temps, mais on apprécie également de le gérer nous-mêmes. Même si on a parfois des discussions assez houleuses à ce sujet...
"Chanter de façon minimaliste et ne pas trop en dire"
Vous êtes pour l'instant sur le joli rythme d'un album par an. Est-ce un cap que vous allez essayer de maintenir ou bien allez-vous un peu lever le pied ?
À vrai dire, je n'ai réalisé qu'on avait autant de sorties qu'à l'époque de notre troisième album. Je ne nous avais jamais considérés comme très productifs. Michiel compose la plupart des chansons et j'écris toutes les paroles, mais je ne me suis jamais vu comme un parolier prolixe, parce que j'aime chanter de façon minimaliste et je ne veux pas trop en dire. Je n'ai pas particulièrement envie qu'on soit aussi prolifiques : je serais tout aussi heureux si on sortait un disque tous les quatre-cinq ans. Mais la façon dont se passent les choses en ce moment est très satisfaisante. On travaille sur des nouvelles chansons et je pense qu'on en aura suffisamment pour enregistrer un nouvel album bientôt. Mais il faut encore que je termine les paroles, donc... Et bien sûr, avec tous ces concerts, on n'a pas beaucoup de temps pour enregistrer.
Comment as-tu vécu la période de confinement ? Vous ne donniez évidemment pas beaucoup de concerts à cette époque...
On venait juste de sortir notre second disque (In this house) la semaine où tout s'est arrêté. On a donc dû annuler une quarantaine de concerts sur deux mois. J'ai ensuite décidé de ne rien faire pendant quelque temps, je pense que je n'ai pas dû toucher ma guitare pendant six mois. On a ensuite eu l'occasion de donner quelques concerts assis aux Pays-Bas, ce qui était agréable, même si je n'avais pas non plus une motivation débordante. J'ai pris le temps de découvrir plein de nouveaux groupes, j'ai acheté beaucoup de disques et je me suis aussi remis à lire. J'étais tellement pris par le groupe que je n'avais pas vraiment lu ces dernières années. J'ai profité de tout ce temps pour lire et j'ai acheté plein de livres. Cette situation m'a bien plu pendant un temps. Puis l'aspect social d'être dans un groupe de musique a commencé à me manquer, rencontrer des nouvelles personnes et discuter avec elles. J'ai saisi chaque occasion de rencontrer des gens avec les deux mains. Maintenant que tout a rouvert, je vais à des concerts et des évènements culturels tout le temps, parce que ça m'avait énormément manqué. Heureusement, le groupe a survécu à tout ça et on peut à nouveau jouer ensemble.
Tu penses que ça vous a rendu plus forts ?
Oui, je crois. Mais aussi parce qu'avec la pandémie, je me suis rendu compte que tout cela n'est peut-être pas si important. J'avais déjà cet état d'esprit, il y a plein de choses qui ne m'intéressent absolument pas, mais au moins le groupe avait une certaine importance. Ces derniers temps, c'est quelque chose qui me paraît moins primordial. Je vois ça comme un point de vue positif, parce que si tu ne t'en soucies pas, c'est plus simple d'être productif.
Y a-t-il quelque chose que tu souhaiterais ajouter ?
Peut-être que tout cela ne représente que mon opinion personnelle, pas forcément celle du groupe. Il me semble que c'est important de le préciser. Si tu as d'autres questions ou que tu n'as pas réussi à entendre certaines de mes réponses à cause du sound-check, tu sais où me trouver...
Merci beaucoup, Arie !
[J'ai pris Arie au mot en lui envoyant quelques questions supplémentaires subtilement ajoutées dans l'interview, avec la question bonus ci-dessous, quand il a été annoncé que LEWSBERG allait jouer en première partie de PAVEMENT à Copenhague le 29 octobre 2022]
Pendant que j'y suis, une dernière question pour la route (promis, je te laisse tranquille après) à propos de votre concert en première partie de PAVEMENT. Comment est-ce que vous appréhendez ce concert au niveau du groupe ? Etes-vous nerveux à l'idée d'accompagner les « indie darlings » des années 90 ? Ou bien est-ce une source de motivation étant donné que vous allez jouer devant un public plus conséquent que d'habitude ? Ou bien est-ce un concert comme les autres pour vous ?
En ce qui me concerne, je vois ce concert comme une occasion de faire quelque chose de différent. Ça ne sera pas un concert comme les autres parce que les circonstances seront nouvelles pour nous. Mais je pense que c'est ce que nous aimons dans le fait de donner des concerts. Du moins, c'est mon cas. C'est une chose que j'attends toujours avec impatience : des circonstances nouvelles. Cette fois-ci, il s'agira d'une plus grande salle avec un public qui n'aura majoritairement jamais entendu notre musique. Ces circonstances peuvent parfois être le fait de jouer dans un pays où tu ne t'es encore jamais produit, où les gens parlent une langue que tu ne comprends pas. Ou bien de faire un concert assis pour la première fois, comme on l'a fait pendant la pandémie. Ou bien de jouer dans un squat avec le toit qui fuit.
Article et propos recueillis par Eric F.
(1er novembre 2022)XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
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Pour prolonger...
LEWSBERG : Bandcamp
LEWSBERG : site web officiel
LEWSBERG : Sweets
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Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #789 (09/11/2022)
Rock à la Casbah #773 (04/05/2022)
Dans nos archives écrites :
The growing pains of LEWSBERG,
cette interview en version anglaise (01/11/2022)
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Photographies : Eric F.
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