Terre de mystères et de légendes, l'Irlande regorge d'artistes fabuleux. Sinead O'BRIEN fait partie de la promo 2022. Pour la sortie de son debut album, elle nous fait l'honneur d'accorder à notre webzine une interview, initialement prévue pour deux. L'occasion de parler mode, voix et place des femmes dans l'industrie musicale.
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Le Time bend and break the bower de l'Irlandaise Sinead O’BRIEN est sorti au début de l'été 2022 sur le label anglais Chess Club Records et c’est Dan CARREY (l’ingé son coqueluche des groupes les plus en vogue du moment) qui l'a mixé. Les clips et l’ensemble de l’imagerie qui accompagnent sa musique sont aussi riches que denses. Vue en live à L'Ubu lors de la soirée de clôture des 47èmes Transmusicales de Rennes en décembre 2021, j’avais entrepris de réaliser une interview croisée avec Molly LEWIS (une épatante siffleuse Australienne). Impossible à réaliser le jour même en version audio, j’ai tenté une version écrite par emails interposés. Malgré mes nombreuses relances, Molly n’a jamais répondu. En revanche, Sinead s’est gentiment prêtée au jeu.
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"Je suis parfois surprise par ce que j'écris"
Tu viens d’un cursus d’études autour de la mode, tu as toujours des tenues impeccables sur scène. Toi qui a travaillé pour Vivienne WESTWOOD, quels liens entretiens-tu avec la mode ?
Sinead O'BRIEN : Les vêtements, les attributs stylistiques aident à te fondre dans la peau des personnages sur scène. C’est une partie intégrante de la performance, et en plus c’est fun. Il n’y a, je trouve, aucune nécessité à accumuler des choses, à consommer et investir des montagnes d’argent. J’aime collectionner, accumuler des choses, je me fabrique des mondes, j’adore explorer les univers de possibilités que je peux construire, assembler, imaginer.
Comment as-tu vécu ta première fois sur scène ? Comment te sentais-tu ? Est-ce un bon souvenir ?
Ma première fois sur scène, j’avais un rhume. Du coup j’étais un peu dans les limbes, comme vaseuse. J’ai passé mon temps à tenter de calibrer le volume de ma voix que je trouvais trop bas. Au final j’ai passé mon temps à me focaliser là-dessus, du coup je n’étais pas trop stressée. Je me suis plutôt super concentrée sur ma diction et la manière dont je prononçais les mots et j’ai passé un très bon moment. Je me suis abandonnée, j’étais concentrée sur le sens de ce que j’étais en train de dire, de partager et je l’ai vécu si intensément que je me suis dit qu’il fallait que je persévère dans ce sens.
Tu es très souvent accompagnée de danseurs/danseuses et bien d’autres artistes. Tes vidéoclips sont très esthétiques, empreints d'une gestuelle sensuelle ou d’autres formes d’expressions artistiques. Quelle est ta relation aux arts ?
J'aime travailler sur les autres aspects de mon projet une fois que la musique est là - c'est l'occasion de donner une autre strate contextuelle pour que les gens puissent accéder à l'œuvre. Le film, l'image photographique, le mouvement et la danse communiquent tous à des niveaux que les mots ne peuvent pas atteindre. Ils fonctionnent physiquement et visuellement. En faisant appel à d'autres sens, ils peuvent coopérer entre eux, et s'il y a une bonne combinaison, une synergie, le message et la signification de la musique peuvent vraiment être élevés.
Tu pratiques plus le sprechgesang que le chant à proprement parler. Quelle est l'importance des voix, des sons et des mots pour toi ? Comment écris-tu tes histoires, de quoi sont-elles faites ?
Ma voix est importante pour moi. Elle est centrale. Je veux dire le son, mais aussi "ma voix" dans l'écriture. J'écris beaucoup et j'essaie de lire beaucoup aussi. Je commence généralement chaque matin à mon bureau avec un café et mon cahier. Parfois, j’oriente le processus et d'autres fois, je me laisse aller, je tombe, je m'élance et je vole en piqué. Je pense que c'est comme un exercice physique ou mental, il doit être régulier, c'est là que l’on commence vraiment à voir les progrès et le développement. Je suis parfois surprise par ce que j'écris - comme une nouvelle, un monologue ou une simple déclaration de deux lignes, tout peut arriver. J'aime ces surprises et je veux garder cette ouverture. C'est vraiment important pour moi, pour que cela reste vivant et en mouvement.
"Toujours un énorme déséquilibre entre les sexes dans la musique"
Je ne demande rien à propos de cette merde de Covid, nous la détestons tous et voulons qu'elle disparaisse, mais j'aimerais parler de quelque chose dont tout le monde parle mais que je trouve important. J'aimerais connaître ton sentiment, tes expériences en tant que jeune fille dans l'industrie musicale ?
J'ai eu des expériences généralement positives. Quand je dis cela, je veux dire qu'il y a toujours un énorme déséquilibre entre les sexes dans la musique. Tu peux compter sur le fait d'être l'une des rares, sinon la seule, femme dans la pièce dans beaucoup de situations. Pour changer cela, je dis qu'il faut faire équipe avec d'autres femmes dans une variété de rôles - chercher des collaboratrices, des membres de l'équipe, des gestionnaires et des agents féminins. J'ai une équipe composée en grande partie de femmes, mon manager, mon agent, mon avocat, mon comptable sont des femmes, je collabore avec des femmes pour la réalisation de mes vidéos et de mes photos, et je souhaite accentuer davantage cette tendance. Je suis frustrée par le déséquilibre entre les sexes dans les festivals, ça ne va pas assez vite.
Connaissais-tu le travail de Molly LEWIS avant Les Transmusicales ? Peux-tu nous dire quelques mots sur sa musique ?
Je n'avais jamais entendu parler du travail de Molly avant notre rencontre aux Transmusicales. J'étais vraiment intriguée par l'idée et j'ai réussi à regarder le spectacle juste avant le nôtre au festival. Je ne pouvais m'empêcher de sourire, l'ambiance dans la salle était chaleureuse. Les gens semblaient si réceptifs à cette forme de musique inhabituelle [NDLR : Molly LEWIS est siffleuse] et hautement qualifiée. C'était un ensemble radieux et un grand plaisir à regarder.
Quel morceau de Molly est fondamental pour toi ?
J'aime Oceanic feeling, il a une sorte de nostalgie familière qui est très cinématographique mais pas parce que c'est vraiment familier. Je pense que c'est la beauté de son écriture. Elle va droit au but et rend familier dès le départ.
Si vous aviez l'occasion de travailler ensemble, Molly et toi, qu'imaginerais-tu pour elle, quel serait le projet ?
Je peux imaginer quelque chose comme un tourbillon du Plantasia de Mort GARSON, l'électronique en moins, raconté de manière sombre. Ce serait cool.
"Nous formons une belle unité"
Peux-tu nous dire quelques mots de tes musiciens (que j'imagine être des personnes qui comptent pour toi) ?
Julian (guitare), Oscar (batterie) et moi-même jouons ensemble en tant que trio depuis 2018. C'est vraiment amusant d'écrire, de collaborer et de composer ensemble. Chacun a ses propres forces et je pense que nous formons une belle unité.
L'année 2022 a été importante pour toi. Comment va-t-elle continuer ?
Avec des concerts et de nouvelles sorties ! Beaucoup de choses.
Article et propos recueillis par La SCANDALEUSE
(05 juillet 2022)XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
Sonead O'BRIEN. Time bend and break the bower (Chess Club Records, 2022)
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Pour prolonger...
Sinead O'BRIEN : Bandcamp
Sinead O'BRIEN : site web officiel
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Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #778 (08/06/2022)
Rock à la Casbah #794 - Best of 22, part. 1 (14/12/2022)
Interview réalisée par La SCANDALEUSE
pour l'émission Dig Dig Diggers (Ferarock, juillet 2022)
Dans nos archives écrites :
Still in fashion,
cette interview en version originale (12/07/2022).
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Photographies : Chloe Le DREZEN
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