La discothèque idéale (2018) // Trésor caché #003
Adepte de la chanson courte, Tony MOLINA sculpte dans la matière sonore dix ritournelles parfaites, tel un démiurge aux ambitions modestes, qui reconstituerait le monde en miniature.
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Tony MOLINA évoque dans son cheminement atypique, d’autres artisans de l’indie folk, comme Elliott SMITH et José GONZALEZ. Issus du milieu hardcore, ils ont évolué progressivement dans les sphères d’une musique de plus en plus apaisée, acoustique et mélodieuse. De telle sorte qu’on a du mal à imaginer comment la douceur de ces voix d’anges et de ces harmonies célestes a pu être dans un premier temps dissimulée par le bouillon sonore.
L’atonie à Tony
Dans cette lignée des hurleurs repentis et victimes d’atonie, le californien se distingue par un style unique qui consiste à radicaliser son écriture pop en lui enlevant toute répétition. En faisant fi de la norme qui consiste à reprendre refrains et couplets ad libitum, pour qu’ils s’inscrivent dans l’inconscient de l’auditeur, MOLINA évite la pesanteur pour lui substituer l’apesanteur. Chaque chanson voit donc naître un micro-univers qui flotte sans vocation à durer. La brièveté (10 morceaux en 15 minutes) nous fait tendre l’oreille pour ne rien manquer, et accentue la délicatesse des mélodies. Ce ne sont pas des esquisses, car tout est parfaitement arrangé et abouti : il faut juste en profiter avant que tout ne disparaisse.
Monades à MOLINA
L’impression d’avoir à faire à des monades musicales, c’est-à-dire à de petits organismes qui contiennent tout un monde, est amplifiée par la puissance nostalgique à l’œuvre. Adepte d’une power-pop sans muscles, déconnectée du présent, comme annoncé par une pochette qui sent bon les seventies, MOLINA passe les Trois B (BEATLES, BYRDS, BIG STAR) à la molinette. Nothing I can say ouvre l’album avec la douze cordes de Mc GUINN ; la chanson suivante, Wrong Town, rappelle les chefs d’œuvre acoustiques de CHILTON (Thirteen, Blue Moon…), et précède Afraid to go outside, aux allures d’inédit de McCARTNEY. Chaque petite phrase de guitare, de clavier, semble faire l’objet d’un soin amoureux ; et les influences ne sont jamais encombrantes. MOLINA arrive à se ménager un espace propre, ou plutôt une temporalité singulière, qui lui permet, en éteignant rapidement les lumières (Kill the lights) de ne jamais trop en faire. Il peut même s’autoriser une sortie en grande pompe avec l’outro instrumental et ses double guitares épiques.
Tony par coeur
Les paroles, brèves et mémorables, soulignent le sentiment d’être en décalage avec le monde, de s’aliéner dans un temps présent qui ne semble pas être le sien. Et c’est peut-être finalement ce qui fait de cette œuvre un trésor caché : son refus d’appartenir à une époque. À défaut d’être un Magnum Opus, ce micro-album s’annonce déjà comme un vestige futur, digne d’être redécouvert.
Paul MÉGLOT
(05 novembre 2021)XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
Tony MOLINA. Kill the lights (Slumberland Records, 2018)
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Pour prolonger...
Tony MOLINA : Bandcamp
À écouter de toute urgence, en prenant le temps :
Tony MOLINA. Confront the truth (Slumberland Records, 2016)
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Photographies : Paul MÉGLOT, Ruby PEREZ et Metroactive / DR.
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