Endless Arcade, dixième album des écossais de TEENAGE FANCLUB dont la sortie a été maintes fois reportée pour les raisons que l'on sait, a réussi la performance de susciter autant d'excitation que de crainte. La raison ? Le départ du bassiste extraordinaire Gerard LOVE, lassé de devoir prendre des avions pour jouer aux quatre coins du monde, et accessoirement meilleur compositeur du trio de haut vol complété par Norman BLAKE et Raymond McGINLEY.
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Cinq étoiles, tiroirs pleins, compteurs à zéro
Voilà qui mettait plus de pression que d'habitude aux deux derniers sus-nommés, devant passer au 50/50 pour diriger la barre d'un navire qu'on imaginait forcément un peu chahuté par les vents contraires. Les concerts pré-pandémie du groupe laissaient un peu entendre cela : voir TEENAGE FANCLUB sur scène sans pouvoir entendre des classiques du calibre de Ain't that enough, Radio ou encore Sparky's dream, ni pouvoir profiter de la délicieuse voix du désormais leader de LIGHTSHIPS laissait déjà un goût d'inachevé et de fin de règne.
Car, oui, TEENAGE FANCLUB a longtemps mérité sa couronne des rois de la pop : dois-je vraiment vous rappeler que du sophomore Bandwagonesque (1991) jusqu'à Songs from Northern Britain (1997) en passant par Thirteen (1993) et Grand Prix (1995), TEENAGE FANCLUB a enchaîné avec une régularité confondante les albums cinq étoiles ? Pas étonnant que le groupe ait réussi l'exploit de mettre d'accord Kurt COBAIN et Liam GALLAGHER, le Don Grungeone de Seattle les déclarant « meilleur groupe du monde », pendant que le frère du monosourcil le plus célèbre de Manchester les plaçait en seconde position... évidemment derrière son propre groupe, as you were.
La recette de ce succès ? Un proto-grunge noisy des débuts, comme une réponse écossai... pardon, glasgwegienne, à SONIC YOUTH et DINOSAUR JR. et relevé par une singulière aptitude pour les harmonies vocales dignes des meilleurs BEACH BOYS et BYRDS. Tout cela pour mieux évoluer vers des chansons plus posées et très souvent somptueuses. A titre d'exemple, on se demande bien quel autre groupe se permettrait de laisser un morceau de la trempe de Broken végéter au simple statut de face B, tant son aptitude à pulvériser tous les COLDPLAY de ce monde est évidente. Des chansons comme ça, TEENAGE FANCLUB en a plein ses tiroirs...
Mais voilà, sans avoir touché le fond, la carrière du groupe tournait depuis quelque temps au ralenti avec des albums un peu en demi-teinte (Howdy, Shadows) et seulement trois disques sortis ces onze dernières années. Et si Here (2016) était ce que le groupe avait fait de mieux depuis l'immense Words of wisdom and hope (2001) sorti avec JAD FAIR, le départ de Gerard LOVE est venu remettre les compteurs à zéro.
Minute people
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ? TEENAGE FANCLUB a tenté de faire mentir l'adage en s'agrandissant, LOVE se voyant remplacé par le gallois Euros CHILDS (GORKY'S ZYGOTIC MYNCI) aux claviers et un Dave McGOWAN à la basse (BELLE & SEBASTIAN), déjà membre du groupe sur scène depuis de nombreuses années.
Mais le sort s'est acharné, puisque le débonnaire Norman BLAKE a vu son mariage de vingt ans prendre fin, mettant un terme à son exil canadien pour retrouver Glasgow. Loin de moi l'idée de vouloir transformer ces pages en annexe pour Gala et Voici, mais ce split n'a visiblement pas été sans conséquences pour l'album... dès l'introductif Home, on sent bien que BLAKE n'est pas au top : « Ta compagnie m'apportait du réconfort, et naviguer dans ce monde avec toi me faisait me sentir moi-même, mais ces heures solitaires sans fin t'ont vu t'éloigner, et j'attends que le soleil brille, mais le ciel est gris ».
Il y a ici un contraste évident avec I'm in love, le single de Here. Si ce dernier nous laissait croire que le groupe pourrait à nouveau repousser les amplis à onze, c'est désormais un lointain souvenir. Du haut de ses six minutes laissant la part-belle aux solos un peu en roue libre de Larry David Raymond McGINLEY, Home partait pourtant avec de beaux atouts pour entretenir la flamme. Hélas, l'ensemble ronronne quelque peu, en terrain archi-connu, sans être pour autant déplaisant. Ceux qui étaient à la recherche des frissons procurés à l'écoute des blockbusters Everything flows et The concept peuvent arrêter ici la lecture, merci d'avoir essayé !
Ain't that enough ?
Pour les autres, la réussite d'Endless Arcade dépendra essentiellement de leur degré d'allergie à un dad rock qui a au moins la bienséance de s'assumer tel quel. Seul le Everything is falling apart de Raymond McGINLEY arrivera à insuffler une énergie rock, avec une pointe de tension en prime, taillé pour la scène. Ça sera malheureusement le seul fait d'arme notable du guitariste dégarni qui ne propose pas grand chose sur ses cinq autres morceaux. A sa décharge, son Endless Arcade prometteur se retrouve flingué par le clavier hors-jeu de dix mètres d'Euros CHILDS, qui aura au moins tenté de proposer quelque chose de nouveau. Le reste ? Une lénifiante suite de chansons tièdes, très lointaines cousines des meilleurs morceaux de McGINLEY. Un malheureux pilotage automatique qui confirme que la marche était probablement trop haute pour combler le vide laissé par LOVE.
C'est donc sans surprise un Norman BLAKE qui tentera de faire tenir l'édifice à bout de bras. Tant pis si ses textes ne remontent pas vraiment la pente après Home, car il s'en sortira néanmoins avec les honneurs, comme sur le superbe The sun won't shine on me, qui peut autant être vu comme une lamentation post-divorce que comme un vibrant hommage à Daniel JOHNSTON. Et si I'm more inclined nous laisse encore une fois l'imaginer au bord des larmes, BLAKE ne laisse rien paraître derrière le micro : « Je n'ai pas trouvé la religion, je n'en ai jamais eu besoin : je suis plus enclin à croire en toi ». Exactement ce qu'on lui dirait pour l'aider à remonter la pente, ça tombe bien.
Même son de cloche sur Living with you, qui rien qu'avec ses simples changements d'accords nous ramène vers des temps meilleurs et plus simples.
Entre deux chaises (le cul)
On pourra accorder à cet Endless Arcade de révéler ses charmes discrets au fil des écoutes, soit un pari quelque peu risqué à l'heure de la spotification de la musique (même si le groupe s'en contrefout probablement), mais qui révèle surtout que TEENAGE FANCLUB ne semble plus trop pouvoir (vouloir ?) écrire des tubes quasi intemporels.
Trop bien écrit et produit pour être mauvais et trop tiède pour être vraiment emballant, Endless Arcade est au final l'instantané d'un groupe en pleine reconstruction. Les magnifiques lignes de basse de Dave McGOWAN tout au long de l'album nous laissent le droit de croire en des jours meilleurs pour un TEENAGE FANCLUB autant le cul entre deux chaises que l'auteur de ces lignes, qui ne sait plus trop s'il faut ici décerner un coup de pied au cul amoureux ou bien accorder un baiser quelque peu indifférent.
Eric F.
(25 juin 2021)
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TEENAGE FANCLUB – Endless Arcade (Pema, 2021)
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Pour prolonger...
Pour se faire mal : les adieux scéniques de Gerard LOVE (15/11/2018)
TEENAGE FANCLUB : Take the Long Way Around (Live on Oddball TV, 1997)
Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #742 (30/06/2021)
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Photographies : Eric F.
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