"Water", un premier album qui coule de source // Par Laetitia Lacourt
"Water" est un rappel de ce que nous avons perdu, de ce que nous n’avons jamais eu, et de ce que nous finirons par perdre".
Un poil anxiogène la punchline du groupe SadGirl à propos de son premier album sorti le 14 juin dernier sur Suicide Squeeze records.
Pour comprendre, direction Los Angeles. Posez votre séant dans un de ces spots wifi et équitables de l’Ouest de la ville. Prenez votre Mac étincelant, faites semblant de travailler sur un projet très créatif tout en sirotant votre latte ou votre jus de légumes et d'eau à la chlorophylle puis ouvrez un bouquin de photos de LeRoy Grannis. En fond sonore, les délicates notes ondulantes de Tomorrow’s gone de l’israélien Charlie Megira seront parfaites.
Vous voilà plongé dans l’univers nostalgique de SadGirl, dans l’idéal révolu ou le passé idéalisé de plusieurs générations nées après ou trop tard. Des générations nourries d’images en Technicolor, de springbreak sur le littoral doré, d’un Pacifique qui lèche inlassablement la plage, de vieilles guimbardes crachant un vieux Sam Cooke, de milk shake blindés de colorants et de breakfast avec gluten. Une belle carte postale pop d’un L.A vintage dont les couleurs surannées n’en finissent plus de blêmir face à la réalité : des incendies qui ravagent les collines et cette putain d’épée de Damoclès qui, pour l’instant, se contente de remuer à magnitude tolérable dans la plaie/faille de San Andreas.
Formé par le guitariste / chanteur Misha Lindes, le batteur David Ruiz et le bassiste Dakota Peterson, les californiens SadGirl avaient déjà fait vibrer notre corde sensible avec un premier EP sorti en 2015. Bien que plus garage, les titres Breakfast is over et Feel like shit (pour ne citer qu’eux) respiraient déjà le doo wop et le chagrin d’amour à grands renforts de trémolos. 4 ans et quelques EP plus tard, le premier album Water tombe enfin, et coule de source.
Véritable capsule intemporelle, Water compile 10 titres enregistrés au cours des deux dernières années, amalgame les Beach Boys, le Wrecking Crew, Dick Dale et offre une version semi fictive et ultra romantique du L.A natal de SadGirl. Mélange de surf, de musique hawaïenne, de pop vintage, de soul, l’album alterne des titres contemplatifs qui invitent à se dorer la pilule (The Ocean), des ballades glamours gorgées de soleil et dégoulinantes de sueur et d’amour (Miss Me, Chlorine, Breakfast for 2, Little Queenie), des instrumentales pour buller en bikini voire même plonger dans une espèce de torpeur (Avalon, Hazelnut Coffee, Muholland) et un bijou : Water, qui clôture magistralement le tout avec la même puissance mélancolique que Black Water de Timber Timbre.