Teenage kicks with Beast // Par Laetitia Lacourt
Soyons honnête, je ne vais rien vous apprendre ni sur Beast ni sur Seb Blanchais, son fondateur, dans les lignes qui suivent. La seule raison de les justifier est probablement la suivante : la vie vous fait rencontrer des gens ou des personnages et il fait indubitablement partie de la seconde catégorie. Les premiers, on les oublie (désolée les gens), les seconds vous happent par leur charisme, leur histoire, leur vécu, leur œuvre.
Méchouille rebelle au balayage m’en foutiste, air bougon du mec à qui on ne la fait plus, bras épais ultra tatoués, Seb Blanchais, alias boogie ou DJ crocodile, est un « vieux » briscard du rock dont chaque ligne, chaque ride et chaque tatouage semble lié à une nuit sans sommeil.
Disquaire, co-organisateur du Festival Binic, co-animateur de l’émission Blueshit sur Canal B, chanteur du groupe Head On, organisateur de concerts, il est aussi le boss du label Beast Records qui fêtait au mois d’octobre ses 15 ans d’existence.
Derrière son âge boutonneux et adolescent, Beast ne retient, sinon les nuits, que la volonté farouche de rester libre dans ses choix artistiques en s’affranchissant de la question merdique « est-ce que ce disque va marcher ? » (rien à battre) et le désir insolent de ne pas grossir en refusant toute subvention. Le label peut prendre 15 ans de plus, il sera toujours probablement ancré à la « teenage kicks » mais aussi la maturité et le recul qui le caractérisent.
Comme toutes les jolies histoires, celle de Beast Records nait par hasard en 2003. A l’époque, Seb est déjà disquaire depuis 98 et décide de s’autoproduire, saoulé de démarcher un label, pour le groupe qu’il forme avec ses potes, Born In flames. Nommé ainsi en référence au groupe cultissime Beasts of Bourbons qui représente le mieux la vision qu’à Seb de la musique, le label décolle rapidement. Le logo sera dessiné par Tibou, un designer brestois. Celui-là même qui orne le dos de Romain, le binôme de Seb. Les dés sont officiellement lancés lorsque Beast sort SixFtHick, un groupe australien en mode grosse artillerie qui par amitié lui file les droits pour l’Europe. Le disque se vend en 8 jours. Les choses s’accélèrent avec Digger and Pussycats. Dès lors, si le cul reste vissé à Rennes, les oreilles seront tournées ad vitam eternam vers le pays du Kangourou.
Le deuxième coup de poker, c’est Spencer P Jones lui-même. Après une tournée des Digger and Pussycats, Seb devient pote avec Andy Moore (chant, guitare, batterie) qui lui apprend qu’il joue avec SPJ en tant que batteur’’. Le pont est vite franchi. Seb ne cessera, durant près de 15 ans, de suivre les recommandations de celui qu’il considère comme le meilleur songwriter du monde. Un tribute est d’ailleurs en cours, avec une quarantaine d’artistes : un double vinyle presque catharsis qui viendra peut être apaiser le regret de ne rien avoir sorti avec Spencer de son vivant (Il a disparu le 21 aout dernier NDLR).
En déambulant dans la boutique et devant le comptoir de Beast, impossible de ne pas songer 1 seconde à Nick Hornby et High Fidelity. D’ailleurs, Seb Blanchais le cite rapidement en référence : « comment faire confiance à quelqu’un qui a moins de 300 disques » ? Principal acteur du retour en grâce du vinyle, il défend chez Rockin’Bones les couleurs de l’Australie (« les australiens ne font jamais chier ») et les disques du label (environ 200 sorties depuis la création tout en sachant que le premier référencement est doté du chiffre... 69 : « pour attirer les distros américaines ») même si les plus grosses ventes restent Oh Sees, King Gizzard, Ty Segall ou le Classic Rock et les indécrottables Neil Young, Hendrix, Velvet, Stones & Co.
Le CD ? Mort, presque enterré. Il en vend un à chaque pleine lune et encore, et argumente en citant Beat Man : « la différence entre CD et vinyle, c’est comme regarder un porno en se branlant et avoir la meuf en face de soi ». Et pourtant, il y a 20 ans, à l’ouverture du shop, les banquiers ne voulaient pas miser une cacahouète sur le retour de la galette. Qu’à cela ne tienne, Seb et Romain ont tenu la barre avec pour objectif d’être le label le plus cool du monde. Avec environ 120 artistes au catalogue, le binôme cherche juste à s’éclater avec les australiens, être un marche pied pour les artistes, révéler à ceux qui le méritent les pointures venues de l’hémisphère sud. Mais pas que, avec un contact dans chaque pays qui le guide ou lui dit de foncer, Beast s’assure de mettre le doigt sur le groupe qui fera la diff ou de rééditer des pépites qui ont plus de 50 balais.
Mr Airplane Man, Chicken Diamond, Cash Savage, Escobar, Harlan T Bobo…aux côtés d’honorables références qui teintent le label d’une couleur blues rock, Seb et Romain sont très ouverts à la scène rennaise et s’attachent à la défendre (Kaviar Special, Sapin, Bed Bunker, Madcaps…) autant dans la boutique qu’au Binic Folk Blues Festival, dont 50% de la programmation représente des groupes Beast. Très admiratifs des scènes de Memphis et de Melbourne (« des villes qui puent la musique »), ils dynamitent à eux seuls la ville de Rennes en organisant 1 à 3 concerts par semaine, principalement au Bistro de la Cité et au Mondo Bizarro. Une autre casquette, indiscutablement liée aux autres, que Seb a vissé depuis ses 16 ans.
C’est tout ? Trop pas ! Depuis 15 ans, tous les samedis, de 11h30 à 13h, Seb (ici Boogie) co-anime l’émission « Blueshit » sur Canal B, avec Francky La Mouche. Au programme, 1h30 de rock'n'roll, de garage, de blues, de country, de bluegrass assaisonnées d’anecdotes bien senties et au verbe coloré. Si la première partie est toujours réservée aux nouveautés ainsi qu’aux sorties Beast Records, la seconde réanime tous les cow-boys qui ont mordu la poussière. Les deux lascars puisent dans leurs discothèques personnelles pour vous balancer le vinyle introuvable, le sample incontournable, la cover qui tue passée inaperçue ou les pépites des pionniers des genres musicaux sus-cités. Au total, quasi 45 minutes de grâce et de race où flottent souvent les timbres accrocheurs et/ou les fantômes de Sanford Clark, Tex Edwards, Ernest Tubb, Ronnie Hawkins, Billy Swan, Eddie Noack, Elvis…
La boucle est bouclée, et 15 ans plus tard parfaitement rodée : une ville pour organiser des concerts, un shop pour vendre ses disques, un festival pour faire rayonner la scène internationale en France, une émission de radio pour diffuser nouveautés et vieilles complaintes, le label Beast est à la musique ce que la permaculture est à l’alimentation : un cas rare mais un exemple réel d’autonomie, d’hyperproductivité et d’autosuffisance.
Méchouille rebelle au balayage m’en foutiste, air bougon du mec à qui on ne la fait plus, bras épais ultra tatoués, Seb Blanchais, alias boogie ou DJ crocodile, est un « vieux » briscard du rock dont chaque ligne, chaque ride et chaque tatouage semble lié à une nuit sans sommeil.
Disquaire, co-organisateur du Festival Binic, co-animateur de l’émission Blueshit sur Canal B, chanteur du groupe Head On, organisateur de concerts, il est aussi le boss du label Beast Records qui fêtait au mois d’octobre ses 15 ans d’existence.
Derrière son âge boutonneux et adolescent, Beast ne retient, sinon les nuits, que la volonté farouche de rester libre dans ses choix artistiques en s’affranchissant de la question merdique « est-ce que ce disque va marcher ? » (rien à battre) et le désir insolent de ne pas grossir en refusant toute subvention. Le label peut prendre 15 ans de plus, il sera toujours probablement ancré à la « teenage kicks » mais aussi la maturité et le recul qui le caractérisent.
Comme toutes les jolies histoires, celle de Beast Records nait par hasard en 2003. A l’époque, Seb est déjà disquaire depuis 98 et décide de s’autoproduire, saoulé de démarcher un label, pour le groupe qu’il forme avec ses potes, Born In flames. Nommé ainsi en référence au groupe cultissime Beasts of Bourbons qui représente le mieux la vision qu’à Seb de la musique, le label décolle rapidement. Le logo sera dessiné par Tibou, un designer brestois. Celui-là même qui orne le dos de Romain, le binôme de Seb. Les dés sont officiellement lancés lorsque Beast sort SixFtHick, un groupe australien en mode grosse artillerie qui par amitié lui file les droits pour l’Europe. Le disque se vend en 8 jours. Les choses s’accélèrent avec Digger and Pussycats. Dès lors, si le cul reste vissé à Rennes, les oreilles seront tournées ad vitam eternam vers le pays du Kangourou.
Le deuxième coup de poker, c’est Spencer P Jones lui-même. Après une tournée des Digger and Pussycats, Seb devient pote avec Andy Moore (chant, guitare, batterie) qui lui apprend qu’il joue avec SPJ en tant que batteur’’. Le pont est vite franchi. Seb ne cessera, durant près de 15 ans, de suivre les recommandations de celui qu’il considère comme le meilleur songwriter du monde. Un tribute est d’ailleurs en cours, avec une quarantaine d’artistes : un double vinyle presque catharsis qui viendra peut être apaiser le regret de ne rien avoir sorti avec Spencer de son vivant (Il a disparu le 21 aout dernier NDLR).
En déambulant dans la boutique et devant le comptoir de Beast, impossible de ne pas songer 1 seconde à Nick Hornby et High Fidelity. D’ailleurs, Seb Blanchais le cite rapidement en référence : « comment faire confiance à quelqu’un qui a moins de 300 disques » ? Principal acteur du retour en grâce du vinyle, il défend chez Rockin’Bones les couleurs de l’Australie (« les australiens ne font jamais chier ») et les disques du label (environ 200 sorties depuis la création tout en sachant que le premier référencement est doté du chiffre... 69 : « pour attirer les distros américaines ») même si les plus grosses ventes restent Oh Sees, King Gizzard, Ty Segall ou le Classic Rock et les indécrottables Neil Young, Hendrix, Velvet, Stones & Co.
Le CD ? Mort, presque enterré. Il en vend un à chaque pleine lune et encore, et argumente en citant Beat Man : « la différence entre CD et vinyle, c’est comme regarder un porno en se branlant et avoir la meuf en face de soi ». Et pourtant, il y a 20 ans, à l’ouverture du shop, les banquiers ne voulaient pas miser une cacahouète sur le retour de la galette. Qu’à cela ne tienne, Seb et Romain ont tenu la barre avec pour objectif d’être le label le plus cool du monde. Avec environ 120 artistes au catalogue, le binôme cherche juste à s’éclater avec les australiens, être un marche pied pour les artistes, révéler à ceux qui le méritent les pointures venues de l’hémisphère sud. Mais pas que, avec un contact dans chaque pays qui le guide ou lui dit de foncer, Beast s’assure de mettre le doigt sur le groupe qui fera la diff ou de rééditer des pépites qui ont plus de 50 balais.
Mr Airplane Man, Chicken Diamond, Cash Savage, Escobar, Harlan T Bobo…aux côtés d’honorables références qui teintent le label d’une couleur blues rock, Seb et Romain sont très ouverts à la scène rennaise et s’attachent à la défendre (Kaviar Special, Sapin, Bed Bunker, Madcaps…) autant dans la boutique qu’au Binic Folk Blues Festival, dont 50% de la programmation représente des groupes Beast. Très admiratifs des scènes de Memphis et de Melbourne (« des villes qui puent la musique »), ils dynamitent à eux seuls la ville de Rennes en organisant 1 à 3 concerts par semaine, principalement au Bistro de la Cité et au Mondo Bizarro. Une autre casquette, indiscutablement liée aux autres, que Seb a vissé depuis ses 16 ans.
C’est tout ? Trop pas ! Depuis 15 ans, tous les samedis, de 11h30 à 13h, Seb (ici Boogie) co-anime l’émission « Blueshit » sur Canal B, avec Francky La Mouche. Au programme, 1h30 de rock'n'roll, de garage, de blues, de country, de bluegrass assaisonnées d’anecdotes bien senties et au verbe coloré. Si la première partie est toujours réservée aux nouveautés ainsi qu’aux sorties Beast Records, la seconde réanime tous les cow-boys qui ont mordu la poussière. Les deux lascars puisent dans leurs discothèques personnelles pour vous balancer le vinyle introuvable, le sample incontournable, la cover qui tue passée inaperçue ou les pépites des pionniers des genres musicaux sus-cités. Au total, quasi 45 minutes de grâce et de race où flottent souvent les timbres accrocheurs et/ou les fantômes de Sanford Clark, Tex Edwards, Ernest Tubb, Ronnie Hawkins, Billy Swan, Eddie Noack, Elvis…
La boucle est bouclée, et 15 ans plus tard parfaitement rodée : une ville pour organiser des concerts, un shop pour vendre ses disques, un festival pour faire rayonner la scène internationale en France, une émission de radio pour diffuser nouveautés et vieilles complaintes, le label Beast est à la musique ce que la permaculture est à l’alimentation : un cas rare mais un exemple réel d’autonomie, d’hyperproductivité et d’autosuffisance.