… et j ai la gueule de bois // Par Laetitia Lacourt - Photos David Leprince
Le 13 octobre dernier sortait Dark Is The Night… On Is The Party, le troisième album de Sapin. Blindé de mélodies accrocheuses et joyeuses dans un garage surf-western qui ne se prend définitivement pas au sérieux, ce nouvel effort s’est accompagné d’une tournée avec une release party ce jeudi 2 novembre à la Mécanique Ondulatoire. L’occasion de revoir Pierre Rubin (chanteur et guitariste), Jérémie ‘’Duc’’ Duault (bassiste), Xavier Terracol (guitariste) et le nouveau batteur, Malo Alliot. Après leur concert, un nombre incalculable de pintes chacun et au terme d’une soirée qui se finira à 4h du matin, voici ce dont je me souviens…
Je me souviens être venue spécialement à Paris pour les voir.
Je me souviens être arrivée à la Méca et m’être sentie comme à la maison. Chaud, familier, cosy. Reprendre les vieilles habitudes, filer à l’étage, griller une clope dans le fumoir, regarder si certains tags ou stickers sont toujours là, repérer les nouveaux. Tiens, depuis quand y’a des caméras de surveillance ?
Je me souviens être descendue voir les Dharma Jerks en première partie et être remontée aussitôt.
Je me souviens avoir vu débarquer les Sapin dans la rue, frais comme des gardons, ayants même pris une douche chez Total.
Je me souviens avoir encore raté la moitié du concert des Valderamas (pardon Simon, pardon), bloquée au merch par Pierre, à faire le panégyrique du dernier album et à retracer toute la discographie sapinoise, quasi titre par titre.
Je me souviens qu’il m’ait avoué avoir versé sa petite larme pendant l’enregistrement de « Knobby Hands ».
Je me souviens qu’il y avait dans les bacs, un disque de Régal bradé à 4 euros.
Je ne me souviens pas comment j’ai pu raté Not Far Away, le premier titre du set de Sapin, toujours est-il que je me suis magnée la rondelle pour descendre, me frayer un chemin et me poser « à ma place » (exactement comme les vieux qui s’assoient toujours au même endroit à table) : devant à droite.
Je me souviens m’être renversée le quart de ma 4ème pinte sur le blouson.
Je me souviens avoir adoré ce concert. Pas forcément parfait mais bon enfant, joyeux, simple et blindé de tubes.
Je me souviens que 9 titres sur 12 du nouvel album ont été joués et qu’ils sont tous évidents.
Je me souviens de tous mes shoots de dopamine.
Je me souviens que Pierre m’ait dédicacé le titre « Hiroshima » pendant le concert parce que je déteste cette chanson qui me rappelle les Madcaps.
Je me souviens de ce titre un peu débile « Gnagna » qui n’est sur aucun des albums.
Je me souviens avoir eu l’impression qu’ils avaient joué deux fois « Break the van ».
Je me souviens que « Back to the Beach » est à Sapin ce que « Bad Kids » est aux Black Lips : un rituel de fin qui vient clôturer tous les concerts.
Je me souviens avoir acheté le vinyle en remontant.
Je me souviens qu’on s’est foutu de la gueule des pompes de Xavier : des sneakers blanches d’une banalité affolante.
Je me souviens que Tom d’Howlin Banana ne voulait pas qu’on prenne ses Vans en photos car il y avait un trou pile au milieu de celle de droite.
Je me souviens que Xavier complexe un peu sur sa taille.
Je me souviens qu’hormis Pierre, y’a quand même zéro look chez Sapin, prenant le « venez comme vous êtes » au pied de la lettre.
Je me souviens qu’ils se soient prêtés, plein de bonne volonté, à une séance photo Passage des Taillandiers. Et que j'aime par dessus tout la photo ou l'on voit Xavier, hyper crédible, sous le "rien à déclarer".
Je me souviens qu’il faisait doux ce soir là. Et que les lumières étaient jolies.
Je me souviens qu’on ait encore parlé look et pompes sur le chemin.
Je me souviens que nous sommes passés chercher des binouzes dans un van au contenu interlope. Et qu’il emboucanait sévère.
Je me souviens que l’on ait pris une antépénultième bière dans les loges.
Je me souviens qu’on ait parlé du taf de chacun : un surveillant, un aide soignant, un agent d’accueil.
Je me souviens qu’il y avait avec nous Arthur Paichereau, l’homme qui enregistre et mixe tous les meilleurs disques de la scène garage bretonne, dans sa baraque avec 10 piaules, « à 32 km de Rennes ».
Je me souviens que Xavier habite maintenant chez lui.
Je me souviens qu’il a fallu quitter la Méca et que le dernier métro était parti depuis bien longtemps.
Je me souviens de notre soif inextinguible.
Je me souviens que les Sapin n’écoutent plus Julien Clerc pendant les tournées et qu’ils se concentrent dorénavant sur le concert de Johnny Hallyday de 1982 au Palais des Sports. Celui qui commence par « Au cours de la nuit des deux lunes, un homme, un seul, revient du domaine des ombres. C’est le survivant. Il sait que l’apocalypse est proche, pour la dernière fois il va vivre ses fantasmes ».
Je me souviens m’être demandée qui était l’homme intelligent dans le groupe. Celui qui lit « Underground ou un héros de notre temps », bouquin négligemment posé en évidence sur le tableau de bord du van. L’homme intelligent, c’est Duc.
Je me souviens être partis en quête d’un rade et s'être faits refouler de 2 ou 3 avant d’atterrir à la Brasserie Le Rey, place Voltaire.
Je me souviens avoir éprouvé une grosse bouffée d’amour – à mi chemin entre l’émerveillement et la surprise - lorsque l’un d’eux a prononcé « idoine ». J’aime tellement ce mot.
Je me souviens des anecdotes de cette tournée et d’une sombre histoire de duvet dézippé dans lequel dormait Arthur et non pas la Canadienne escomptée. Je crois que je n’ai pas le droit de vous en dire plus.
Je me souviens que l’on s’est fait deux tournées de pintes.
Je me souviens que l’on s’est tous montré nos tatouages. Et que la palme du plus gros voire du plus beau revient à Pierre.
Je me souviens m’être dit, en les regardant, qu’ils étaient tous des types attachants, cools et charmants.
Je me souviens qu’il était 3h45.
Je me souviens avoir vécue une soirée un peu hors du temps, déconnectée, régulée par aucun maître des horloges.
Je suis incapable de dire combien de pintes j’ai bu.
Crédit photos : David Leprince