Face à un mainstream consternant et à une société actuelle qui n'inspire que le désespoir, nous voyons apparaître petit à petit une alternative portée par un bon nombre de groupes et de collectifs. Cette dernière s'oppose à l'injonction du cool et de la hype, et englobe des formations comme JC Satàn ou The Feeling Of Love. Et c'est peut-être pour ça que, depuis quelques années, la scène garage connait un nouveau souffle et un certain engouement : la hargne d'un Jay Reatard et la folie d'un groupe comme T.I.T.S sont salvatrices. Ces artistes-là représentent le mouvement et le souffle, alors que le mainstream actuel n'est que formatage et bâillements. Mais la rage seule n'est pas suffisante. Au delà de la fureur insufflée par la scène garage, il y a également la nécessité de mélodies soignées.
Et un groupe comme La Secte du Futur l'a très bien compris. Menée notamment par des membres de Catholic Spray et JC Satàn, cette formation a signé en début d'année un très grand album, « Greetings From Youth ». Tout en gardant l'énergie qui caractérise la majorité des groupes de la scène garage, cet album regorge surtout de vraies grandes chansons, dotées de mélodies ultra efficaces (« Respect Pour Le Peuple », « Someone Stole My Summer », ...).
Cette alliance-là, de l'énergie et des mélodies, on la retrouve également chez les Américains de The Fresh & Onlys. Bénéficiant de moins d'exposition médiatique que les Black Lips, ce groupe, mené par Tim Cohen, compte pourtant à son actif un bon paquet de très bonnes chansons. Il suffit d'écouter par exemple « Secret Walls » sorti en 2011 sur le EP du même nom pour s'en convaincre. Auteurs déjà de quatre albums (dont le superbe « Play It Strange », paru en 2010), The Fresh & Onlys sortent, en ce mois de juin, « House Of Spirits » sur le label Mexican Summer. Et on remarque tout de suite à l'écoute de cet album la confirmation d'un changement de cap pour le groupe. Déjà amorcée à partir de « Play It Strange », l'évolution des compositions chez The Fresh & Onlys consiste en la transformation progressive du son clairement garage du premier album vers une pop profonde et classieuse. Et ce cinquième album regorge de morceaux jouissifs, du titre d'ouverture « Home Is Where ? » à la ballade mélancolique « Bells Of Paonia ».
Mais si l'accent est mis sur les mélodies, le groupe fait toujours preuve d'une bien belle énergie, comme sur l'excellent titre « Hummingbird ». Cette chanson évoque l'héritage de la pop indé des années 80 : on pense au label Sarah Records, ainsi qu'à des groupes comme The Field Mice ou bien Another Sunny Day. De même, à l'écoute de « April's Fool », on ne peut s'empêcher de penser à la superbe chanson des écossais de The Wake, « Pale Spectre ». Le sommet de cet album vient avec la chanson « Animal Of One », qui nous fait le même effet qu'un verre d'absinthe en fin de journée durant le mois d'août : une composition rafraîchissante, dont nous arpentons les lignes mélodiques parfaites en titubant devant tant de beautés. Le résultat est juste tétanisant. Il est noté aussi le joli travail de production (mené par Phil Panley de Trans Am), qui donne plus de profondeur aux chansons de ce nouvel opus. La musique de The Fresh & Onlys semble ainsi intemporelle : elle emprunte au passé, tout en étant tournée vers l'avenir. Et s'il y a aujourd'hui moins de disto dans leurs chansons, le groupe ne perd pas pour autant en puissance. Il demeure captivant car inventif. Et si on examine la discographie de The Fresh & Onlys, force est de constater qu'ils ont su se renouveler au fil des albums, afin de ne pas tomber dans le piège de l'auto parodie qui guette bon nombre de groupes garage actuels.
The Fresh and Onlys
House Of Spirits (Mexican Summer) // par Anton Schaefer