Good men on the road // par les Soeurs Clac
Nuit de l'Alligator I Maroquinerie - Paris I 27 février 2015
Ils étaient attendus comme le loup blanc. En arrivant, avant même d'atteindre le bar ou de descendre dans la salle, on nous demandait déjà si nous venions pour Heavy Trash, nous assurant alors que ce serait le concert de l'année. De notre vie entière. Sold out pour cette deuxième soirée des Nuits de l'Alligator, qui fête cette année ces dix ans d'existence. Et quel beau gâteau !
Bloodshot Bill n'avait pas son pyjama, il n'était pas pieds nus, et nous ne retrouvions pas l'ambiance fiévreuse et moite qui nous avait tant emballées quelques mois auparavant lorsque nous l'avions découvert à Saint Germain en Laye, en première partie de Legendary Tigerman. Le contexte jouait un peu, il faut l'avouer. Peu après 19h, c'est à lui d'ouvrir le bal après un dernier coup de peigne, en plein cœur du restaurant de la Maroquinerie, entre les cris des serveuses qui tentent de se frayer un chemin les mains chargées de poulet cajun, et un public qui se presse, se tasse et qui se retrouve complètement pris au piège d'un lieu mal adapté, à peine arrivé. Cela n'enlève en rien la qualité de cette musique que l'on préfère définitivement live, respirant (ou transpirant, c'est selon) les effluves chaotiques de l'american way of life, le spectacle en moins cette fois çi. One man band, Bloodshot Bill n'en a que le titre, son show n'existant pas sans le public. Et forcement, ce soir-là, la magie opère moins, même si l'on sent bien que tout les cœurs battent à la même cadence et que l'assemblée est conquise par la musique en elle même, pour ce qu'elle est, tout simplement. On y retrouve tout de même ces fantômes du passé qui traversent et hantent l'âme et la voix du bonhomme, qui nous feraient presque croire que Johnny Cash n'est pas mort. Non, il est juste parti couper quelques arbres dans les forêts canadiennes et boire un bon whisky avec Jack Nicholson sur le tournage de Vol au dessus d'un nid de coucou. Il n'a pas eu tort à vrai dire, la double personnalité de cette voix fait toute la différence. Moins schizophrène que dans notre souvenir, il n'en reste pas moins qu'il se cache derrière Bloodshot Bill, un punk, un punk qui joue du rockab' et qui balance du blues, exactement et justement comme on les aime.
À peine le silence revenu, qu'Hayseed Dixie prend la relève, au sous-sol. Que dire ? Il y a bluegrass et bluegrass. Car c'est à cela que l'on pense tout de suite lorsqu'on voit débarquer sur scène ces quatre américains très hillbilly en salopette, armés d'un banjo et d'un violon, gouailleurs et prêts à en découdre. Bluegrass festif un peu gras et suintant les relents d'une mauvaise bière collante, le groupe reprend les standards US, allant de Lost Highway (Hank Williams) à Highway to Hell (AC/DC), sans sourcilier, ni perdre le fil. Ca réveille doucement les premiers rangs d'un public franchement partagé. Nous, on se sent comme en panne dans les Appalaches, avec une vieille radio cassée qui nous propose les vieux tubes éternels (Journey, Survivor). On aura tenu quelques titres avant de revenir en 2015, lorsque les larsens auront eu raison de nos oreilles. Rien de surprenant donc, mais un ensemble tout de même efficace pour allumer l'étincelle et réchauffer le public, qui bouillonne d'impatience en attendant la suite du plateau.
L'étincelle, juste avant l'explosion.
Jon Spencer & Matt Verta-Ray, accompagné de Ramshackle Sam à la batterie et de Bloodshot Bill à la contrebasse, emportent à l'instant même de la première note, l'adhésion totale et définitive de la salle toute entière. Ce qu'il s'est passé ensuite pendant plus d'une heure trente relève du génial, du magie-stral.
Une ambiance hargneuse et suave nous plongeant dans un univers digne de Kenneth Anger, où les deux héros tiennent leurs guitares comme des couteaux à cran d'arrêt, réinterprétant à leur manière le lourd héritage du rock'n roll fifties, brûlant l'idole d'Elvis sur l'autel de la modernité.
Cette drôle d'équipée sauvage se bagarre de façon étudiée. Matt Verta-Ray se joue du beat et excelle tout simplement aux côtés d'un Jon Spencer des grands jours (en a-t-il seulement d'autres?), séducteur ténébreux et passionné, nous rappelant Nick Cave sous certaines lumières, qui nous livre sans retenue, une performance pointue et assurée, allant de l'un à l'autre, alpaguant un public définitivement trop timide. Qu'importe. Heavy Trash, le pied au plancher, transforme la Maroquinerie en un brasier ardent ne faisant faire qu'un tour à notre sang, plus tout à fait froid. Les morceaux s'enchaînent sans un instant de répit, c'est à en perdre le contrôle de notre rythme cardiaque. L'équilibre est au plus juste : le public crie après Jon, l'éternel gourou, qui ne parle que de Matt, le magicien. Et nous, les yeux rivés sur ses doigts qui courent et qui nous hypnotisent. Le duo amélioré est rompu à l'exercice et cela se sent, le set est maitrisé et nous consume jusqu'à ce que les lumières de la salle nous ramènent à la réalité.
Rien n'est à jeter : libres et inventifs, qu'on ne peut saisir ou capturer en mots et en images sans perdre l'intensité, précis sans être précieux si ce n'est dans la rareté de leurs venues, on retiendra d'Heavy Trash, ces deux figures cinglantes de dandys classieux et cools gravitant dans une autre dimension, qui dictent ce que la musique peut offrir de meilleur : la fureur de vivre.
Ils étaient attendus comme le loup blanc. En arrivant, avant même d'atteindre le bar ou de descendre dans la salle, on nous demandait déjà si nous venions pour Heavy Trash, nous assurant alors que ce serait le concert de l'année. De notre vie entière. Sold out pour cette deuxième soirée des Nuits de l'Alligator, qui fête cette année ces dix ans d'existence. Et quel beau gâteau !
Bloodshot Bill n'avait pas son pyjama, il n'était pas pieds nus, et nous ne retrouvions pas l'ambiance fiévreuse et moite qui nous avait tant emballées quelques mois auparavant lorsque nous l'avions découvert à Saint Germain en Laye, en première partie de Legendary Tigerman. Le contexte jouait un peu, il faut l'avouer. Peu après 19h, c'est à lui d'ouvrir le bal après un dernier coup de peigne, en plein cœur du restaurant de la Maroquinerie, entre les cris des serveuses qui tentent de se frayer un chemin les mains chargées de poulet cajun, et un public qui se presse, se tasse et qui se retrouve complètement pris au piège d'un lieu mal adapté, à peine arrivé. Cela n'enlève en rien la qualité de cette musique que l'on préfère définitivement live, respirant (ou transpirant, c'est selon) les effluves chaotiques de l'american way of life, le spectacle en moins cette fois çi. One man band, Bloodshot Bill n'en a que le titre, son show n'existant pas sans le public. Et forcement, ce soir-là, la magie opère moins, même si l'on sent bien que tout les cœurs battent à la même cadence et que l'assemblée est conquise par la musique en elle même, pour ce qu'elle est, tout simplement. On y retrouve tout de même ces fantômes du passé qui traversent et hantent l'âme et la voix du bonhomme, qui nous feraient presque croire que Johnny Cash n'est pas mort. Non, il est juste parti couper quelques arbres dans les forêts canadiennes et boire un bon whisky avec Jack Nicholson sur le tournage de Vol au dessus d'un nid de coucou. Il n'a pas eu tort à vrai dire, la double personnalité de cette voix fait toute la différence. Moins schizophrène que dans notre souvenir, il n'en reste pas moins qu'il se cache derrière Bloodshot Bill, un punk, un punk qui joue du rockab' et qui balance du blues, exactement et justement comme on les aime.
À peine le silence revenu, qu'Hayseed Dixie prend la relève, au sous-sol. Que dire ? Il y a bluegrass et bluegrass. Car c'est à cela que l'on pense tout de suite lorsqu'on voit débarquer sur scène ces quatre américains très hillbilly en salopette, armés d'un banjo et d'un violon, gouailleurs et prêts à en découdre. Bluegrass festif un peu gras et suintant les relents d'une mauvaise bière collante, le groupe reprend les standards US, allant de Lost Highway (Hank Williams) à Highway to Hell (AC/DC), sans sourcilier, ni perdre le fil. Ca réveille doucement les premiers rangs d'un public franchement partagé. Nous, on se sent comme en panne dans les Appalaches, avec une vieille radio cassée qui nous propose les vieux tubes éternels (Journey, Survivor). On aura tenu quelques titres avant de revenir en 2015, lorsque les larsens auront eu raison de nos oreilles. Rien de surprenant donc, mais un ensemble tout de même efficace pour allumer l'étincelle et réchauffer le public, qui bouillonne d'impatience en attendant la suite du plateau.
L'étincelle, juste avant l'explosion.
Jon Spencer & Matt Verta-Ray, accompagné de Ramshackle Sam à la batterie et de Bloodshot Bill à la contrebasse, emportent à l'instant même de la première note, l'adhésion totale et définitive de la salle toute entière. Ce qu'il s'est passé ensuite pendant plus d'une heure trente relève du génial, du magie-stral.
Une ambiance hargneuse et suave nous plongeant dans un univers digne de Kenneth Anger, où les deux héros tiennent leurs guitares comme des couteaux à cran d'arrêt, réinterprétant à leur manière le lourd héritage du rock'n roll fifties, brûlant l'idole d'Elvis sur l'autel de la modernité.
Cette drôle d'équipée sauvage se bagarre de façon étudiée. Matt Verta-Ray se joue du beat et excelle tout simplement aux côtés d'un Jon Spencer des grands jours (en a-t-il seulement d'autres?), séducteur ténébreux et passionné, nous rappelant Nick Cave sous certaines lumières, qui nous livre sans retenue, une performance pointue et assurée, allant de l'un à l'autre, alpaguant un public définitivement trop timide. Qu'importe. Heavy Trash, le pied au plancher, transforme la Maroquinerie en un brasier ardent ne faisant faire qu'un tour à notre sang, plus tout à fait froid. Les morceaux s'enchaînent sans un instant de répit, c'est à en perdre le contrôle de notre rythme cardiaque. L'équilibre est au plus juste : le public crie après Jon, l'éternel gourou, qui ne parle que de Matt, le magicien. Et nous, les yeux rivés sur ses doigts qui courent et qui nous hypnotisent. Le duo amélioré est rompu à l'exercice et cela se sent, le set est maitrisé et nous consume jusqu'à ce que les lumières de la salle nous ramènent à la réalité.
Rien n'est à jeter : libres et inventifs, qu'on ne peut saisir ou capturer en mots et en images sans perdre l'intensité, précis sans être précieux si ce n'est dans la rareté de leurs venues, on retiendra d'Heavy Trash, ces deux figures cinglantes de dandys classieux et cools gravitant dans une autre dimension, qui dictent ce que la musique peut offrir de meilleur : la fureur de vivre.