S/T (Rockerill records / Love mazout & Et mon cul c'est du tofu.) // par Nicolas Gougnot
Lons-le-Saunier, préfecture du Jura. D’un côté, le Jura, de l’autre la Bresse. La Bresse. Ce mot seul suffit à te contracter d’angoisse. Un pays de marécages et de rivières sournoises. Un monde de poulets fermiers et de Louhans-Cuiseaux Football Club. Et puis il y a le Night & Blue. Une boîte de nuit pour agriculteurs et mécaniciens. Tu es bourré, tu ne connais personne, tu n’es pas d’ici. Tu n’es même pas de Lons, alors qu’est-ce que tu fous à Bletterans ? Tu ne te rappelles même pas comment tu es arrivé ici, tellement tu es pété. D’un coup, d’un seul, ta conscience s’éveille au lieu qui t’entoure. Les lumières bleues, forcément. La déco miteuse, aux peintures écaillées sur les moellons de parpaing. La quadragénaire à bottes de cow-girl qui s’agite, triste et seule, sur la piste. Des mecs, des dizaines de mecs, qui sirotent leur bière éventée ou leur Jack Daniels hors de prix, les coudes sur le bar, tournés vers la piste sur laquelle la fille se laisse pénétrer par la musique. Faire l’amour à Charleroi. C’est si tristement romantique que ça la transperce toute. Cet ensemble est à la fois tellement raccord et si terriblement étranger à ton existence que d’un coup tu dégueules. Tu balances tout par terre, là, entre le bar et la piste. Les spasmes douloureux de ton estomac expulsent alcool, jambon-beurre, ambiance, décor, amour à Charleroi.
Et tu fuis. Tu es toujours bourré, tu ne dessouleras pas, non, mais tu déguerpis le plus rapidement possible, courant, peut-être, titubant, certainement, sous la pluie fine et persistante qui tombe depuis des jours. Ta volonté de fuir te pousse en avant. Et tu prends conscience que tu ne sais pas où tu es. Ni où se trouve Lons-le-Saunier, ton seul espoir de voir le jour se lever. Ton instinct te commande de prendre à gauche, mais c’est où déjà, la gauche ? Est-ce véritablement à gauche que tu trouveras ton salut ? Quinze kilomètres à pied, au bas mot. Ce serait con de se tromper de direction. Tes veines battent tes tempes, L’amour à Charleroi te hante. Bordel, c’est Dien-Bien-Phu dans ta tête.
La Bresse, c’est plat, les lignes droites sont par conséquent interminables. Les voitures foncent. Tu penses, une telle occasion d’avoir des couilles, ça ne se loupe pas. Et souvent, ça déraille. La Bresse, c’est sauvage, il n’y a pas de lampadaires, tu es dans le noir, invisible jusqu’au moment tragique. Tu ne veux pas mourir à cause de Charleroi, ce serait trop con. Alors quand tu entends vrombir un moteur, tu paniques. Tu sais qu’à cette heure, tu as une chance sur deux qu’il s’agisse de l’engin surbaissé et survitaminé de quelque adhérent du Tuning Club Lédonien. Quand le tonnerre mécanique s’approche, tu te jettes dans un fossé. La Bresse, c’est humide. Les fossés sont profonds, eau mêlée de gadoue dans laquelle, tous les deux cent mètres, tu plonges à plat ventre en dépit des températures de janvier. Tu es dans la pôchouse jusqu’au cou. Toute la nuit, tu vas fuir Charleroi, espérant être parti dans la bonne direction. Tu es trempé, tu es crevé, tu dessoules, tu es glauque. Le petit matin hivernal se manifeste quand tu atteins enfin les faubourgs commerciaux de la ville. Jamais tu n’auras été aussi heureux de reconnaître, trébuchant, épuisé et sale, l’usine de Vache-Qui-Rit.
Cette nuit, tu as fait une expérience. Cette nuit, tu as fait l’amour à Charleroi. Alors, heureux ?
Et tu fuis. Tu es toujours bourré, tu ne dessouleras pas, non, mais tu déguerpis le plus rapidement possible, courant, peut-être, titubant, certainement, sous la pluie fine et persistante qui tombe depuis des jours. Ta volonté de fuir te pousse en avant. Et tu prends conscience que tu ne sais pas où tu es. Ni où se trouve Lons-le-Saunier, ton seul espoir de voir le jour se lever. Ton instinct te commande de prendre à gauche, mais c’est où déjà, la gauche ? Est-ce véritablement à gauche que tu trouveras ton salut ? Quinze kilomètres à pied, au bas mot. Ce serait con de se tromper de direction. Tes veines battent tes tempes, L’amour à Charleroi te hante. Bordel, c’est Dien-Bien-Phu dans ta tête.
La Bresse, c’est plat, les lignes droites sont par conséquent interminables. Les voitures foncent. Tu penses, une telle occasion d’avoir des couilles, ça ne se loupe pas. Et souvent, ça déraille. La Bresse, c’est sauvage, il n’y a pas de lampadaires, tu es dans le noir, invisible jusqu’au moment tragique. Tu ne veux pas mourir à cause de Charleroi, ce serait trop con. Alors quand tu entends vrombir un moteur, tu paniques. Tu sais qu’à cette heure, tu as une chance sur deux qu’il s’agisse de l’engin surbaissé et survitaminé de quelque adhérent du Tuning Club Lédonien. Quand le tonnerre mécanique s’approche, tu te jettes dans un fossé. La Bresse, c’est humide. Les fossés sont profonds, eau mêlée de gadoue dans laquelle, tous les deux cent mètres, tu plonges à plat ventre en dépit des températures de janvier. Tu es dans la pôchouse jusqu’au cou. Toute la nuit, tu vas fuir Charleroi, espérant être parti dans la bonne direction. Tu es trempé, tu es crevé, tu dessoules, tu es glauque. Le petit matin hivernal se manifeste quand tu atteins enfin les faubourgs commerciaux de la ville. Jamais tu n’auras été aussi heureux de reconnaître, trébuchant, épuisé et sale, l’usine de Vache-Qui-Rit.
Cette nuit, tu as fait une expérience. Cette nuit, tu as fait l’amour à Charleroi. Alors, heureux ?