Yeah (Slovenly records) // par Nicolas Gougnot
Bien sûr que tu connais Amsterdam, ses canaux, ses vélos, ses drogués. Tu connais également l’existence de Rotterdam, cœur économique des Pays-Bas drainé par l’un des plus grands ports du monde en guise de tube digestif. Tu as peut-être entendu parler d’Eindhoven, par l’entremise de Phillips et de son extension sportive, le PSV. Il est envisageable que tu soupçonnes l’implantation d’Utrecht, pour une raison que j’ignore, genre un obscur traité de paix à la con conclu du temps de Louis XIV. Mais j’en suis certain, tu ne connais pas le Gelderland, non loin de l’Overijssel, ce qui fout les boules. En cette province de Gueldre, comme on dit par chez nous, se trouve une ville nommée Hell. Imagine-toi vivre dans cet Enfer putatif, ancien littoral intérieur (attention, c’est un concept) désormais séparé de la mer par les tas de sable du Flevoland. Imagine-toi n’avoir qu’une envie, celle de te barrer en vacances le plus loin possible, et pour ça être prêt à tout. Alors tu économises, rognant sur tout. Pas de mayonnaise avec les croquettes, les harengs crus mangés avec la tête, pas de cumin dans le fromage, le pindakaas tartiné en une couche la plus fine possible, les hagelslag seulement un jour sur deux, et les zoute dropjes en guise de produit dopant. Et chaque jour, de la putain de soupe à l’eau claire. Euro après euro, les sommes économisées dans la souffrance finissent enfin de te permettre d’envisager de partir avec tes potes dans le sud de la France, pour te faire enfin rôtir la couenne loin des cieux tourmentés chers à Rembrandt, lesquel finissent toujours par lâcher des monceaux de flotte sur la gueule du cycliste immanquablement heureux de défier les éléments liquides en pédalant contre le vent. Tout plutôt que Hoek-van-Holland.
Après avoir rempli la caravane des produits de première nécessité (antibiotiques, huile de friture, Grolsch, Dommelsch et Heineken, la vraie, pas l’épouvantable ersatz commercialisé en France) et vérifié trois fois le chargement, vous partez donc un jour de pleine nuit, prêts à affronter les quatorze heures de bagnole et la traversée de contrées sauvages dans lesquelles les autochtones mangent des légumes ayant poussé dans la terre. La France, espace hostile dénué de toute civilisation. Heureusement, toi et tes potes vous n’en verrez que l’autoroute et ses sandwichs en triangles.
Après 1200 km d’autoroute passés sur la voie du milieu, vous arrivez enfin à Fréjus (prononcez Frrreyeusch ou Frischeusssch). Immédiatement après avoir casé la caravane au camping, vous allez exposer vos épidermes d’albâtre fragile aux impitoyables rayons dardés par le soleil provençalo-alpino-azuréen. Demain, avec un peu de chance, vous arborerez le top du top du bronzage batave : le rouge cramoisi, lequel s’assortit merveilleusement avec l’orange-nassau.
Hélas, le lendemain, en rentrant de la plage, vous comprenez que les vacances de vos rêves prennent une tournure dramatique : camping ravagé par les flammes, ses occupants évacués, la caravane et son contenu carbonisés. Effondrés sur un banc de centre commercial climatisé, la tête entre les mains, toi et tes comparses dépités pleurez de concert vos roteuses évaporées et vos fricadelles carbonisées. Je Maintiendrai, c’est pas toujours facile. Un an de labeur et de privations pour ce triste résultat. Vous n’avez d’autre solution que d’anticiper la triste migration vers le nord du continent européen. C’est cruel. Ça fout la haine. Ça donne envie de boire, de crier, de mordre.
A l’arrivée, vous décidez collectivement que 1) plus jamais ça et que 2) vous allez hurler votre désespoir, votre hostilité vis-à-vis des éléments, du destin et de l’existence. Ça prendra la forme d’un raw-blues cradingue qui pue la sueur et la bière éventée, d’un rock à l’hygiène négligée qui balance ses morceaux comme des giclées de foutre, sans aucune volonté de refonder le monde et de le repeupler. Nan. Du riff, du martèlement, de la trépidation, de l’éructation. 7 titres brefs. Autant de saillies à la pelleteuse. Sur le plus ramollo Come Home, quelques tentatives mélodico-solistes tentent bien de remettre un peu d’esthétique en jeu, mais elles sont bien vite noyées dans l’urgence désespérée qui fait tout le sel de ce disque.
Toi, lecteur empathique, tu aimes le John Spencer Blues Explosion originel ou, plus récents, Combomatix, Bikini Gorge, Lady Banana et autres pervers du blues sodomisé ? Cet album est fait pour toi. C’est 1€ sur bandcamp. Et si ça peut payer une nouvelle caravane, ils viendront peut-être exprimer leur frustration de par chez toi ?
Après avoir rempli la caravane des produits de première nécessité (antibiotiques, huile de friture, Grolsch, Dommelsch et Heineken, la vraie, pas l’épouvantable ersatz commercialisé en France) et vérifié trois fois le chargement, vous partez donc un jour de pleine nuit, prêts à affronter les quatorze heures de bagnole et la traversée de contrées sauvages dans lesquelles les autochtones mangent des légumes ayant poussé dans la terre. La France, espace hostile dénué de toute civilisation. Heureusement, toi et tes potes vous n’en verrez que l’autoroute et ses sandwichs en triangles.
Après 1200 km d’autoroute passés sur la voie du milieu, vous arrivez enfin à Fréjus (prononcez Frrreyeusch ou Frischeusssch). Immédiatement après avoir casé la caravane au camping, vous allez exposer vos épidermes d’albâtre fragile aux impitoyables rayons dardés par le soleil provençalo-alpino-azuréen. Demain, avec un peu de chance, vous arborerez le top du top du bronzage batave : le rouge cramoisi, lequel s’assortit merveilleusement avec l’orange-nassau.
Hélas, le lendemain, en rentrant de la plage, vous comprenez que les vacances de vos rêves prennent une tournure dramatique : camping ravagé par les flammes, ses occupants évacués, la caravane et son contenu carbonisés. Effondrés sur un banc de centre commercial climatisé, la tête entre les mains, toi et tes comparses dépités pleurez de concert vos roteuses évaporées et vos fricadelles carbonisées. Je Maintiendrai, c’est pas toujours facile. Un an de labeur et de privations pour ce triste résultat. Vous n’avez d’autre solution que d’anticiper la triste migration vers le nord du continent européen. C’est cruel. Ça fout la haine. Ça donne envie de boire, de crier, de mordre.
A l’arrivée, vous décidez collectivement que 1) plus jamais ça et que 2) vous allez hurler votre désespoir, votre hostilité vis-à-vis des éléments, du destin et de l’existence. Ça prendra la forme d’un raw-blues cradingue qui pue la sueur et la bière éventée, d’un rock à l’hygiène négligée qui balance ses morceaux comme des giclées de foutre, sans aucune volonté de refonder le monde et de le repeupler. Nan. Du riff, du martèlement, de la trépidation, de l’éructation. 7 titres brefs. Autant de saillies à la pelleteuse. Sur le plus ramollo Come Home, quelques tentatives mélodico-solistes tentent bien de remettre un peu d’esthétique en jeu, mais elles sont bien vite noyées dans l’urgence désespérée qui fait tout le sel de ce disque.
Toi, lecteur empathique, tu aimes le John Spencer Blues Explosion originel ou, plus récents, Combomatix, Bikini Gorge, Lady Banana et autres pervers du blues sodomisé ? Cet album est fait pour toi. C’est 1€ sur bandcamp. Et si ça peut payer une nouvelle caravane, ils viendront peut-être exprimer leur frustration de par chez toi ?