Kenny Burrell

Midnight Blue (Blue Note Records 1963) // Par Duck Lover
Devant la ruisselante saison que nous traversons trempés et poisseux comme un marathonien, certains s’engouffrent dans un malaise absolument normal et justifié. Difficile de s’enthousiasmer, je dirais même de s’émouvoir pour quoi que ce soit. Mais parfois, loin du monde, une lumière, une lueur vient du fond de votre collection de disque. Pour nous rassurer. Hier soir c’était Midnight blue. Un disque qui nous remémore l’absolu pouvoir des enregistrements analogiques, du jazz à claquements de doigts, de la chaleur du blues quand il s’exprime avec une telle délicatesse. 

En 1963, Kenny Burrell, guitariste génial, enregistre un disque qui va rester dans les annales du jazz comme un perle absolue de la guitare. 9 morceaux, entouré de quelques copains dont Stanley Turrentine au saxophone et Ray Barreto au conga ! La petite équipe de Kenny se fait plaisir sans aucune démonstration inutile. On ferme les yeux et on bouge la tête. Et même si ça exprime le blues, le disque est là pour nous rassurer. Il n’est que minuit, la nuit est encore longue. 
 
Le son est incroyablement chaud. La pièce résonne à merveille. La respiration, les doigts, et même le sourire bienveillant des musiciens se transmettent dans le sillon. Même en 63, ce disque apparaît comme presque un peu désuet. Ornette Coleman (et bien d’autres!) a depuis longtemps défoncé les frontières du jazz et les gentilles ballades de Kenny pourraient ennuyer. Mais rien n’en est. Son disque glisse, ses phalanges sentent le bois et le métal des cordes, le swing se loge dans nos coeurs. « Midnight Blue » est monstrueux et a le pouvoir, même pour rock’n’rollers bas du front, de sauver ce mois de janvier.