TY SEGALL

Ty Rex (Goner Records 2015) // par Lucas Leonard
Revoilà le pétulant Ty Segall, avec une autre preuve s’il en fallait une, que ce gars-là n’est jamais fatigué. Son hyperactivité sur la scène rock garage commence à alarmer les fans qui ne savent plus sur quel album danser car, pendant que ses clones tiennent son rôle et font acte de présence dans des projets parallèles trop nombreux pour un seul homme (Fuzz, Ty Segall Band, Traditional Fools, Sic Alps, GOGGS…), le blondinet de Laguna Beach prépare la sortie de son énième album prévu pour janvier, et nous gratifie entre temps d’une compilation de reprises de son idole Marc Bolan (alias « T.Rex »), sous un LP à la combinaison subtile : Ty Rex.

Sortie le 27 Novembre chez Goner Records, à l’occasion du Record Store Day, cette nouvelle salve rassemble les relectures des chansons de Bolan que Segall aurait enregistrées entre 2011 et 2013, en y ajoutant un inédit, et pas des moindres : « 20th Century Boy ».
Le surfer-riffer rend hommage à la figure du Glam Rock anglais des années 70, trop méconnus de ce côté-ci de la grande flaque, l’extravagant Marc Bolan fait d’abord ses classes avec un duo de folk cosmique nommé Tyrannosaurus Rex, formé en 1967 et qui s’inspire beaucoup, dans l’écriture, de la mythologie de Tolkien. Pour preuve, son comparse percussionniste prendra comme nom de scène : Steve Peregrin Took. Ça ne s’invente pas.

Par la suite, Bolan électrise son projet, se sépare de son timbalier de la Terre du Milieu, trop intoxiqué, et annonce l’avènement du glam rock avec deux albums cultes parus au début des années 1970 : Electric Warrior et The Slider, qui le mèneront au sommet de sa popularité.

Sur son album, Ty Segall s’attache à creuser le répertoire du maître et on retrouve en majorité des morceaux de T.Rex, comme l’inédit fracassant « 20th Century Boy » donc, ou l’emblématique et très bluesy « The Slider », mais il s’attaque également à des œuvres de la première formation plus éclipsée de Bolan, Tyrannosaurus Rex, avec les ballades « Salamanda Palaganda » et « Fist Heart Mighty Dawn Dart », ou encore « Elemental Child » et la très réussie « Cat Black », toutes sorties avant 1970.

A la première écoute on remarque que la frontière entre les deux artistes est infime, et on réalise l’influence majeure que Bolan a pu avoir sur Segall. Cette nonchalance mélodique, envoutante, ce côté folk psychédélique et astral qui peut, à tout moment, se faire culbuter par des morceaux plus « boogie » et électriques, autant d’affinités musicales partagées par ces deux turbulents du manche. Le tout est ici transcendé par la fuzz glutineuse et singulière du californien qui a su s’approprier le travail de Bolan et y insuffler un penchant garage qu’il connaît bien.

Ce Ty Rex ne sera peut-être pas la première référence dans l’opulente discographie du « King » du garage actuel mais il aura eu le mérite d’avoir dépoussiéré l’œuvre d’un des British les plus glorieux des années 70, une « T-Rex mania » ressuscitée, scandée à travers une brume noisy dans un tribut parfaitement exécuté, sans prétention, qui résonne comme un immense « MERCI ».